A L’ENSEIGNE DE L’ARBRE – TROIS AUTEURS BELGES

par Philippe Leuckx

 

A L’ENSEIGNE DE L’ARBRE – TROIS AUTEURS BELGES

par Philippe Leuckx

 

Pierre POSNO, Juste pour un instant, L’arbre à paroles, 2015, 54p., 7€.

L’auteur, né en 1940, propose des textes courts, voire minimalistes (p.23 « Ce qui me dit/ Je ne peux le dire »).

Entre les énoncés qui sentent leurs sentences et des vers qui jouent de l’anaphore et des reprises (« voici revenu/ pour un instant/ le temps des… »), l’auteur  s’essaie avec talent à l’aphorisme (« Il existe peu de nomades/ Au pays des langages ») et aime convier les mots pour leur offrir des habits de définitions (« Les mots venaient toujours faire leur bruit », comme une réminiscence d’un vers célèbre de Mimy Kinet).

« Je regarde entre les choses » augure d’un bel avenir, dans la densité.

 

Guy BEYNS, Couronné de silence, L’arbre à paroles, 2015, 78p., 9€.

L’écriture, ici, offre matière à de brefs poèmes, où les mots encre, écrire, doigts, vers semblent condenser les missions que se donne le poète.

Une belle maîtrise ramasse l’essentiel d’une esthétique (le poète est par ailleurs peintre et ça se voit, et ça se sent) : dire les tiraillements entre poésie et réalité (« l’aile tire vers l’est….et mon cœur palpitant/ cherche à vivre un peu »).

La nature, dans une observation sereine et dense, « accompagner le vent », « frêle besace de la nuit », semble ajuster le regard pour offrir au lecteur des pépites :

« soleil couché si bas

que mon front devient ombre »

« quand la langue se fond

au creux roux du désir »

 

Jean LOUBRY, Syntaxe d’après la perte, 2015, 68p., 8€.

Le poète, dans ce cinquième volume de vers, sait qu’il a besoin d’espace et de construction syntaxique pour aligner ses vers et ses obsessions de vivre.

Ses poèmes seront donc le catalogue, avec une prédilection pour la mise en évidence et l’inversion des compléments, d’univers : sous forme de questions, à l’aide de répétitions de strophe en strophe, le poème cache, en fait, une mine de suggestions sur le mot, « la langue/Qui fit vivre », les paysages traversés (« Très hautes Alpes /Au goût de vin/ »), la « mère morte entre toutes les femmes ».

« Une épaisseur terrible » tourmente l’auteur jusqu’à lui faire tordre le vers, la langue, essorer ainsi ce qui le trouble, le fascine, l’anime.

Le « Perdre » du titre, ernauxien en diable, fait écrire, et bien, un poète animé du goût de dire, même « le mot manquant », même « l’ombre et la lampe ».

« Comme étoile/ Portant loin / le désir d’être mot » : l’apologue d’un livre de pure lucidité.

 

Philippe Leuckx