Jacques Cornerotte et Anne Léger, Le Guetteur de matins, poèmes, éd. Traversées, 43, faubourg d’Hatrival, 6760 Virton.

Un très joli titre pour cet ouvrage d’une belle facture publié par les éditions de la revue Traversées, que dirige avec intelligence et discernement Patrice Breno. Cet ouvrage d’art est un recueil de splendides photos en noir et blanc illustrant quatre régions: la Gaume, l’Ardenne, la Meuse française et les Cévennes, et accompagnées de merveilleux textes écrits avec un grand talent d’évocation poétique. Ces textes sont d’Anne Léger et Jacques Cornerotte et les photos de Jacques Cornerotte et Philippe Toussaint pour deux contributions seulement, pp. 59 et 119. Jacques Cornerotte a le génie des gros plans mettant en valeur les racines éléphantesques des chênes, les graciles coquelicots qui émergent des graminées, les maisons en pierres du pays  saisies dans le clair-obscur, les nuages énormes rasant la campagne sauvage, les envols de grues dans le ciel d’automne, les paysages de neige, le musculeux poitrail d’un cheval de débardeur, une tête de chien regardant d’un œil rêveur au loin une croix de pierre à demi effondrée…Les mots ne peuvent suffire à traduire l’effet d’esthétisme que produisent sur les lecteurs ces photos d’artiste. Elles sont accompagnées de textes en hommage à la vie rurale. On y retrouve tout ce que nous avons connu, nous gens de la campagne, qui avons passé notre enfance au milieu d’un monde qui semblait comme suspendu entre ciel et terre. Goûtez voir ce beau texte d’Anne Léger, beau comme un poème:

Une grande pièce sombre aux encoignures/ Un feu qui craque, est-ce dans l’âtre, est-ce dans la poêle en fonte ou en acier?/ Le parquet craque aussi mais plus doucement/ Il règne sur tout cela une ambiance de paix, de vieillesse, quiète, une sorte d’usure de fin de vie, mais douce, une pente légère, si légère, celle du fleuve qui rejoint enfin sa mer/ Dans la grande pièce froide à côté, la récolte de châtaignes sèche dans l’obscurité et le silence.

La naissance, la vie, la vieillesse, la mort, tout s’entrelace quiètement, sans révolte, sans questionnements, avec cette résignation antique des vieux sages pour qui on ne peut qu’embrasser ce qu’on ne peut pas éviter. Un très beau livre-objet à offrir à ses proches et familiers, pour les fêtes de fin d’année.

Marcel Detiège