Verlaine derrière les barreaux à Mons et sur des routes d’Europe,  essai

Bernard Bousmanne, Verlaine en Belgique. Cellule 252. Turbulences poétiques, Bruxelles, Mardaga, 2015, 350 p.

verlaine

L’expo consacrée à Paul Verlaine qui fut incarcéré  à Mons durant deux ans est une des manifestations qui clôturent l’année de la capitale culturelle européenne. Restera un livre qui atteste de la richesse des documents relatifs au parcours chaotique du poète avec et sans Rimbaud.

Verlaine enfant passait ses vacances  à Paliseul. Il reviendra en Belgique avec Rimbaud avant de partir vers l’Angleterre puis d’y revenir encore. Ce couple explosif vivote, boit, se dispute, se rabiboche. Et cet improbable duo mène une existence bohème et miséreuse.

Entrecoupant ou illustrant son récit de lettres diverses, de dessins, photos et autres pièces à conviction, Bernard Bousmanne commente et entraine son lecteur dans un dédale de relations complexes entre tous les protagonistes de cette histoire pimentée de sexe, traversée par des personnages marginaux ou institutionnels, amicaux ou hostiles, dont il trace les portraits. S’y ajoute le rehaut de créations poétiques qui marqueront la littérature française.

Il y a de l’enquêteur chez cet essayiste. Il donne la parole à tous les intervenants, il argumente, il analyse, il émet des hypothèses, prend positions pertinentes sur les jugements et interventions des officiels ainsi que des témoins. Il entre dans les poèmes pour en donner le suc, en extirper les obscurités. Bref, il attise l’attention du lecteur.

Il est particulièrement intéressant de découvrir certains procès verbaux, témoignages bruts de la mentalité de l’époque, de l’abime qui sépare des créateurs avant-gardistes de la morale petite bourgeoise des serviteurs de la loi. Il est édifiant de voir combien les exilés de la Commune sont accueillis en Suisse comme les migrants du Moyen Orient actuel. Il est aussi éclairant de parcourir des lieux à travers la description de ce qu’ils étaient jadis.

Il est réjouissant de participer, par écrits interposés, aux différends qui divisent les écrivains d’alors tant en France qu’en Belgique. Notamment dans le cénacle des Parnassiens de Leconte de Lisle mais également avec des auteurs tels que Mallarmé et Verhaeren qui furent, eux, des admirateurs. Le livre s’étend encore quelque peu sur les relations délicates du poète avec ses éditeurs. Et participer au périple conférencier de l’auteur des « Poèmes saturniens »  à Charleroi, Bruxelles, Anvers, Liège et ailleurs est révélateur.

Le biographe critique va même jusqu’à établir un parallèle entre le destin de Verlaine et celui d’Oscar Wilde dont on sait qu’il eut, lui aussi, des ennuis judiciaires à cause de son homosexualité. Rimbaud n’en est pas oublié pour autant. Bousmanne détaillera ce qui différencie les deux amants et empêche que leur aventure soit réellement durable en dépit de leurs rencontres épisodiques après leur rupture.

L’exposition « Verlaine cellule 252 » se tient au BAM, rue Neuve  à Mons jusqu’au 24 janvier 2016. Infos : 065/40.53.25 ou http://www.bam.mons.be/

Michel Voiturier