Une fuite éperdue pour retrouver le serein, poèmes

Françoise Lison-Leroy, Pierrot de rien, Noville-sur-Mehaigne, Esperluète, 2015, 66 p.

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Une musique de chambre en trois mouvements, sertis des dessins énigmatiques d’Anne Leloup. Le premier accompagne un être confronté à la déchirure, qui veut sortir de là où il est, de la noirceur d’une vie coincée. Le deuxième, à l’écriture hachée, scandée par des barres obliques, qui dit la marche saccadée de cette fugue, le « trajet sans retour […] jusqu’au bout des possibles », le désir de trouver « un lieu  à soi / où nicher la détresse ».

Le troisième fait halte en un coin retiré (celui du jardin secret ?) mais lié au reste du monde par le passage d’un rieu, d’un ruisseau. Un coin resté ouvert puisque des intrus (braconnière ou enfant ?), y trouvent place momentanée. Le ton se rassérène en une solitude atteinte au sein d’une nature plus apaisée. Là se dresse un pieu à la mémoire d’un disparu. Sans nom. Un prénom, celui du titre du recueil.

Les raisons de la colère, de la fuite sont dispersées en filigrane ténu. On échafaude. On ne sait jamais vraiment. Pourtant la densité des actes, l’insolite des adjectifs qualificatifs emportent l’imaginaire : enfant écorché voire violé, personne désespérée suicidaire, combattant allant jusqu’au bout de son idéal, délinquant poursuivi, migrant d’avenir incertain, militant exaspéré d’un univers mortellement pollué, rejeton orphelin en mal de géniteur.

La progression du texte mène de la fureur à un soulagement, de la violence à une sorte de paix. En tout cas, à un désir de vivre puisque la dernière phrase de cette prose poétique est « J’ai faim ». Comme une musique nerveuse pleine d’instruments à vent et de percussions qui s’achève sur les notes acides d’un solo de flûte.

Michel Voiturier