Philippe Lambert, Le collectionneur de soupirs, Weyrich, Plumes du Coq, 180 pages.

A en juger d’après le titre et la photo de première de couverture, aurions-nous affaire à un remake littéraire du film de Bertrand Bonello : « L’Apollonide, souvenirs de la maison close » ? Qu’on se rassure, il n’en est rien, malgré quelques scènes de subtil « dévoilement », au demeurant fort bien dépeintes… C’est qu’on joue ici avec Eros et Thanatos : « en dehors du monde des étreintes, de la cyprine, et du sperme, je vivais presque exclusivement avec mes morts ».

Le récit s’ancre autour du personnage de Maud, la prostituée, éperdument aimée, qui le sera tout au long du récit, à qui on donne de l’argent (« un jour, tu tends une enveloppe de faux billets à une femme que tu aimes, ça prend moins d’une seconde, et tu es mort ! Enfin, tu ne vis plus, tu survis, tu collectionnes…. »),  mais il n’en sera pas toujours ainsi….

Récit très émouvant et remarquablement mené où s’entremêlent les regards tournés vers le passé, les souvenirs de la seconde guerre mondiale, les voitures et motos, la présence lancinante du Congo, les multiples références au cinéma, aux films qui restent et à leurs dialogues, à Nankin, et j’en passe.  Et puis, ce  bistrot, le Mermoz,  dont on laisse au lecteur le plaisir de découvrir l’ambiance. On  est particulièrement bouleversés par les personnages du père et de la mère qui restent  présents durant tout le roman, et l’auteur nous donne de façon très simple, mais fort émouvante,  les récits de leur mort ( la mère : « …un filet jaunâtre et visqueux s’échappant de l’interstice de ses lèvres à peine entrouvertes…. » ; le père : « à l’infirmière de service : Quand est-ce que je pars d’ici ?…. »).

La fin est marquée par un renversement stupéfiant, avec l’apparition de Marie, la fille décédée du narrateur, et le personnage de Maud tel que celle-ci se dévoile à l’occasion de sa visite à l’hôpital psychiatrique où finit par se retrouver son amoureux transi.

On sait grès au romancier d’avoir réussi à harmoniser tant de thèmes différents, si riches, à nous livrer de la sorte un récit harmonieux. C’est un premier roman : c’est une réussite.

                                                           Michel WESTRADE     21 janvier 2016