Noëlle Lans, Alain Miniot – Funambule des mots, Parler d’être, coll.Témoignages. Mise en page et composition: Mireille Dabée.

Un propos de Michel Joiret en exergue: Il reste le maître des voix étouffées au fond de soi. N’est pas passeur qui veut… Tout un monde en ces quelques mots. Pour l’auditeur/lecteur peu attentif, un récitant, c’est une sorte d’intermédiaire, de présentateur…Mais il y a bien sûr tout le non-dit, tout ce qui remonte parfois, à la surface, venant du fond de l’être. Tout ce qu’il y a dans un poème, dans un roman, tout le vécu d’un auteur, son enfance, sa jeunesse, ses débats les plus intimes. Oui, comme le fait très bien sentir Michel, un véritable récitant, comme l’est Alain Miniot, est aussi un sourcier/sorcier, et un fraudeur. Trouver ce qui était caché, le révéler, non par vaine curiosité, mais parce qu’il faut connaître davantage pour aimer davantage. Un auteur a des choses à nous dire, des lettres, des mots qu’il nous envoie; et cet envoi renferme parfois des trésors inconnus, défendus, grisants – c’est l’aventure d’une vie, une enfance enfin réalisée.

L’enfance d’Alain, Noëlle Lans nous y introduit avec beaucoup de doigté et de discrétion, avec un art véritable, insistant, comme il le faut, sur le cadre borain de cette enfance; bien plus qu’un cadre, une atmosphère, un mode de vie chaleureux et proches. Puis viendront les études, le travail – énorme et discret -pour acquérir la maîtrise de son art, la passion de la littérature, et les rencontres. Je ne vais pas bien sûr les évoquer toutes, il serait sans doute plus facile de citer les écrivains belges qu’Alain n’a pas croisés sur sa route. Maurice Carême, Pierre Bourgeois, Pierre Coran, Jean Dumortier bien sûr, la famille d’Orbaix-Denuit, Michel Stavaux, Michel Joiret, sans oublier tous ceux qui l’ont accompagné dans ses interprétations, ni ses amis borains. Ils sont tous là, dans cette remarquable scénographie mise en place par Noëlle et Mireille, mis en valeur en même temps qu’Alain.

Oui, c’est un livre de l’amitié, du souci de l’autre, de la main tendue, en heureux contraste avec ce monde où nous vivons, et où règnent en maîtres l’égoïsme et l’individualisme. Encore une fois, assister à un récital d’Alain, à l’une de ses présentations, comme celle qu’il fit récemment de Marcel Proust, c’est s’oublier soi-même, pénétrer dans un monde enchanteur et enchanté, au sens fort du terme. Et Alain, ce merveilleux passeur, est l’un de ceux-là qui aident la littérature, et l’humanité, à poursuivre leur grande aventure. Quasi cursores vitae lampadas tradunt, disait Lucrèce. Comme des coureurs, ils se  passent le flambeau de la vie. Il convenait de le célébrer dignement. Voilà qui est fait, et bien fait. On ne saurait trop en remercier Noëlle et Mireille.                                                                                                       Joseph Bodson