Louis Savary, Le cracheur de mots, Paris, Presses littéraires, 102 p.

 

Bon an mal an, Louis Savary nous apporte sa moisson d’aphorismes. En voici en prise avec la poésie. Ils sont conformes au genre bref qui est le leur, pratiquant volontiers l’économie de mots. Parfois lumineux, parfois sibyllins. Parfois caustiques, parfois réalistes.

Ils sont à grappiller au gré des pages, selon l’humeur, posés au centre de la blancheur du papier, silence visuel qui incite à la réflexion. Certains sont de l’ordre de la définition : « la poésie est une arme / à tuer le temps / qui nous empêche / de vivre »  ou « la poésie est un cri / qui se risque / au silence du monde ».

 Il est de vocables qui jouent avec leur contraire : « les mots de la mort / ont cru surprendre / un poète / sur le qui-vive ».  Ailleurs, c’est dans la visualisation d’un concept que la parole devient image : « c’est parfois dans l’ellipse / que la poésie se risque / à construire son nid ». Et précisément, il advient que le resserrement de la phrase contienne une perception globale, celle, par exemple, du fait qu’une société formatée réagisse contre ce qui risque de lui opposer subversion :  « un poète / à la mer / feu / à volonté ».

 Un humour, lié à des références culturelles, fait mouche quand l’auteur prétend, sous couvert d’une saine autodérision, « je suis un vieux con / et pourtant / j’ai lu tous mes livres ».  Idem lorsqu’il fustige les manifestations qui aspirent davantage à leur médiatisation qu’à leur qualité littéraire : « dans les grand-messes / de la poésie : je singe les simagrées / des vicaires du verbe ».

 Terminons sur ce qui s’avère sans nul doute être l’objectif de créativité des ateliers d’écriture. Soit : « on ne devrait jamais lire un poème / on devrait l’improviser / le premier mot / en inventant un autre / et ainsi de suite ». Soit : « le poète se demande où il va / son poème lui / le sait ». Ou peut-être serait-ce une bonne fin que cette interrogation à laquelle chacun aurait à répondre : « quel mot ma main / pourrait encore tracer / si elle avait conscience / que c’est bien le dernier » ? 

Michel Voiturier