Éric Piette, Voz, Châtelineau, Le Taillis Pré, 88p.

Premier livre d’Éric Piette (Charleroi, 1983), Voz  signifie ‘train’. Dès la couverture, le lecteur est donc censé savoir qu’il s’agira d’itinérance. Mais il n’en aura la certitude, s’il ne pratique pas la langue serbe, qu’à la fin, lorsque l’auteur lui en aura donné la traduction. Ce choix est à l’image de ce recueil : le poète nous dit et cependant il nous laisse deviner, échafauder des hypothèses, interpréter ce qu’il sent par-dessous les mots.

Il y a quelque chose de Cendrars dans ces vers et surtout d’un autre poète de l’errance et de la solitude, Jean-Claude Pirotte, présent en ces pages grâce à un frontispice. Comme lui, il a des comptes à demander à son père, il a logé rue Gambetta. Comme lui, il fut dans le vagabondage, eut une enfance de blessures. Il est en quête de lui-même et résume sa démarche en dernière page : « nous avons des cicatrices / subtiles / dont quelquefois surgit / l’équilibre ».

Entre nomadisme et attachement à ses racines régionales, l’auteur nous entraîne sur ses pas de Charleroi ou de Fleurus jusqu’à l’Adriatique et à Šibenik, via Bruxelles, Amsterdam, Paris, Belgrade, Vienne, Téhéran, Istanbul, du côté des « charniers d’Afghanistan ». Mais même s’il esquisse parfois le croquis de certains lieux, il ne s’attarde guère à des descriptions.  Ce qui lui importe, c’est sa quête d’identité, sa relation avec le père à clarifier, ses souvenirs d’enfance et de voyageur à préciser, ses ruptures blessées à cautériser.

 Étant celui qui « palpe la répulsion / du désir d’être moi », il aligne les faits et les actes qui font de lui un être entre mélancolie et besoin de goûter la vie, un être à mi-chemin entre le vide de l’absence et l’indispensable de la parole à partager en dépit des « ersatz de présent ». Ses phrases, ses vers ne sont pas à l’affût d’effets littéraires. Elles sont nourries d’impressions, de sensations, de constatations, bannissant la profusion facile des adjectifs.

Michel Voiturier

 

Rencontre avec l’auteur le 15 novembre 2013 à 19h à la Maison Losseau, 37 rue de Nimy à Mons avec une mise en voix par la Roulotte théâtrale et une ambiance musicale des Balkans par le groupe O’Tchalaï. Infos et réservation : 065 36 26 96 ;