Jofroi revient sur ses paroles

Jofroi, Si ce n’était manque d’amour, [1976], CD, Cabiac, Productions du Soleil, 2016 ; Grenadine blues, [1989], CD, Cabiac, Productions du Soleil, 2016

Si Jofroi n’a jamais renié sa parole de chanteur attaché aux hommes et à la nature, il revient par contre sur celles de ses chansons, celles qui, fixées sur disque, ne sont plus disponibles dans le commerce. Voilà pourquoi il les réédite pour le plus grand plaisir de ceux qui aiment ses ballades.

Le premier CD n’a nullement vieilli. Sur des musiques très mélodiques, agrémentées çà et là de quelques références au folklore de chez nous ou du Québec, il célèbre le quotidien avec tendresse. Un quotidien qui s’accorde aux saisons plus qu’au temps stressé des grandes cités urbaines. Qui se tisse de solidarité, de convivialité simple associée au voisinage, aux fêtes locales.

Qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas de nostalgie d’un passé enseveli sous le commerce et l’industrie. Plutôt d’un retour à une existence moins artificielle, une façon d’être que nous sommes peu à peu en train de réinventer car jusqu’à présent « l’homme est bien trop à travailler/ à se civiliser à se sécuriser / de choses d’objets de machines ».

L’amour dit avec pudeur, vécu avec profondeur, ressenti à même la peau, générateur d’une génération nouvelle d’enfants à découvrir est omniprésent en tant que moteur d’existence. Ce message optimiste, sans gommer les aspects sombres de la vie actuelle, est nourri d’une perception refusant la froideur de toute intellectualisation.

Le second CD est une histoire, de celles à raconter au lieu de regarder la télé. Il commence par une allègre chanson aux allures de comptine. Il poursuit, sur un air de blues qui donne son titre à l’album, dans la fantaisie un rien débridée. C’est une succession de sensations qui tiennent au toucher, à la vue, à l’ouïe. Il se termine par un rock car les contes d’aujourd’hui s’accommodent bien aux rythmes de maintenant.

L’univers enfantin interroge lorsque dans le jeu, parfois, il n’y a pas apparemment de différence avec la réalité. Qu’on ne sait plus très bien ce qui est fiction et ce qui est vécu. Mais qu’on raconte, qu’on invente les personnages, celui d’un petit chef, par exemple, qui se croit le centre du monde. Et qui finit par se rendre compte que tout n’est pas comme il le croyait.

Michel Voiturier