Elise Boucher, Magda Igyarto,  Regards  croisés sur la violence de la dépendance,  Edilivre, 2012.

 Une jeune femme, Elise, vit sous la dépendance de l’alcool et de la dévorante attraction physique qu’elle éprouve pour son petit ami. L’amour possessif, jaloux et dominateur que celui-ci lui porte, lui impose plutôt, la ravage complètement, annihile sa volonté et sa clairvoyance et l’empêche ainsi de lutter efficacement contre sa tendance à oublier ses problèmes dans la boisson. Elle souffre depuis un certain temps d’une forte addiction à l’alcool, suite aux deuils successifs qu’elle a connus (son frère, sa sœur aînée, le suicide de son père) et ne parvient pas, en dépit de ses études de psychologue qu’elle tente d’achever, à trouver un équilibre, un centre de gravité, la distance surtout qui lui permettrait d’éviter les risques qui mettent sa vie en péril. Un séjour en clinique ne va pas améliorer sensiblement son état. La relation qu’elle continue d’entretenir avec Mo, son compagnon, sorte de pervers narcissique, acharné à la posséder et à la soumettre à toutes ses exigences, ne fait que la déstabiliser davantage, à l’enfoncer dans une sorte d’esclavage amoureux qui ne lui épargne ni les insultes ni les coups ni les scènes familiales ou publiques.

La position de sa mère, Magda, qui l’héberge sous son toit est extrêmement difficile : elle est le témoin quotidien de la dégradation de la santé de sa fille et des exactions de plus en plus insoutenables de son partenaire qui s’incruste sans ménagement dans sa vie. Soucieuse de respecter le plus possible la liberté d’Elise, elle l’encourage patiemment à s’interroger sur la viabilité de cet amour aveugle et destructeur. Elle lui écrit des lettres, qu’elle ne lui montrera qu’à la fin, dans lesquelles elle s’interroge sur sa propre attitude, peu ou trop interventionniste, mais qui témoigne, ligne après ligne, d’une empathie immense à l’égard de sa benjamine en proie à une si cruelle épreuve.

Ces lettres, jointes au compte rendu fidèle et pathétique de la funeste liaison d’Elise, fait par la victime elle-même sous forme de journal,  feront l’objet du récit de vie que mère et fille partageront avec le lecteur, sous le titre : « Regards croisés sur la violence de la dépendance ». Un témoignage doublé d’un regard lucide et salutaire que permet plus facilement le recours à l’écriture.

Une lecture éprouvante, qui soulève maintes questions et s’achève par bonheur sur un épilogue plein d’espoir et de promesses…

                                             Michel Ducobu