Paul MATHIEU, Le temps d’un souffle, Editions Traversées, coll. Images, 2017, 72p., 18€. Illustrations très fines de Blandy MATHIEU.

 

Sans doute Paul Mathieu écrit-il pour porter trace de ce qui n’existe plus : villes animées, forêts vraies, tant de choses jetées, « villes illusoires », « forêts rangées au garde-à-vous ».

« Plus aucune trace sur le sol », désespère-t-il, la lèpre a tout emporté de nos jours ; le vide a tout pris ; « tous les livres anciens/ ont été jetés aux orties ».

On ne se reconnaît plus ; la violence parcourt les « ruelles ».

Le poète, « avec nos pauvres mots », se réserve « quelques petites îles/ intérieures », en dépit des « mille collines /saccagées de pluies », en dépit de « tous les vides ».

au bout du compte

on ne sait plus

à quel gisement

se vouer

ni à quel ciel

Les images, très belles, « hoquets/de l’improbable », souhaitent un devenir pour l’homme, quand tout n’est que déficit, créance, échec :

pour habiter l’homme

le temps d’un souffle

L’écriture de Paul Mathieu a pris une belle assurance, s’éloignant progressivement d’un hermétisme un peu froid (certains recueils de jadis), d’un beau poids de lyrisme contenu et d’une émotion qui affleure sans déborder.

Celui qui voudrait continuer à « contempler » se sent souvent réduit à consigner les pertes, le peu de profit.

Apte à enregistrer les miasmes et les mouvements d’une société qui change, Paul Mathieu , par sa parole exigeante, nous remue, nous questionne et se pose comme un poète de la maturité gagnée, à force de sobriété et de conviction.

Philippe Leuckx