valmyValmy Féaux, Histoire politique du Brabant wallon, du Duché de Brabant à l’éclosion démocratique (1919), Academia – L’Harmattan, 2004, 355 pp, 35 €..  Préface d’André Flahaut, avant-propos de Mathieu Michel.

De par les fonctions qu’il a occupées, notamment ministre-président de la Région wallonne, gouverneur du Brabant wallon, et par son ancrage dans la région, né à Nil-Saint-Vincent, habitant Ottignies, Valmy Féaux était sans nul doute la personne la plus indiquée pour écrire cette histoire.

Il l’a fait avec ses caractéristiques maîtresses: la clarté de conception, l’esprit de synthèse allié à un solide bon sens, qui lui permet de se baser sur des réalités très concrètes. C’est ainsi que des anecdotes, des précisions, enchâssés dans le déroulement des faits, viennent les illustrer et leur donner la force du vécu.

Il insiste avec raison sur le côté assez lent de notre évolution, résultant en partie de l’esprit particulariste de nos provinces, de l’absence de centralisation. De plus, au Moyen-Age, le Brabant wallon est nettement minoritaire par rapport à la partie flamande du duché, avec ses rares villes: Nivelles, Wavre, Jodoigne. Il se révè!era allergique aux réformes éclairées de Joseph II, ainsi qu’aux structures issues de la Révolution française, quand les préfectures remplaceront les départements, et que l’on assistera à des échanges de communes avec les provinces voisines. Le Conseil de préfecture sera nommé par le gouvernement, le Conseil général par le Premier consul. C’est là, déjà, le point de départ de nos institutions: gouverneur, députation permanente, Conseil provincial. A partir de 1818, sous le régime hollandais, ce sera un gouverneur qui sera à la tête de la province. Les Etats provinciaux comprendront des nobles, ainsi que des représentants des villes et des campagnes.. Les provinces seront divisées en districts, avec à leur tête un commissaire de district. Le Conseil communal, lui, aura à sa tête un Conseil de régence.

Après l’unionisme, aux premiers temps de l’indépendance, on assistera assez vite à la création des partis catholique et libéral;,avec des tensions surtout dans le domaine scolaire. Les bourses d’études, les cimetières, les fabriques d’église seront aussi des pierres d’achoppement, de même que les lois sur le corps électoral et la milice. On verra ainsi un député de la province, Le Hardy de Beaulieu, s’opposer régulièrement à tout militarisme. C’est après 1878, et la victoire libérale aux élections, que la guerre scolaire sera la plus virulente.

Un point qui nous intéresse particulièrement, ainsi que Valmy Féaux, lui-même acteur de théâtre wallon à Céroux-Mousty: les prises de position de Jules de Burlet, bourgmestre de Nivelles, en faveur de la littérature wallonne (p.203): En tant que ministre responsable de l’Instruction publique, il prit un arrêté royal, en date du 30 juin 1892, mettant « le littérature dialectale dramatique wallonne sur le même pied  que les littératures française et flamande ». Il faisait suite à une demande de l’abbé Michel Renard, poète brainois (1829-1904)

Un temps fort, parmi les anecdotes qui viennent illustrer le texte: l’affaire de Piétrebais. Interdiction de porter des masques, infractions constatées, un gendarme trop nerveux qui se met un cadavre sur les bras et se fait lui-même massacrer: il y aurait bien là matière à réécrire, à l’échelle de notre Brabant, le Carnaval de Romans de Le Roy-Ladurie.

Il y aura bien sûr, par la suite, le réveil du peuple, l’entrée en scène du parti socialiste, allié au début du moins avec l’aile gauche du parti libéral, et nous ferons ainsi connaissance avec quelques députés et sénateurs très actifs, comme Alphonse Allard, ce précurseur qui parcourait sa circonscription en vélo, Emile de Lalieux, Léon Jourez, Emile Henricot. Il y aura aussi des problèmes qui périodiquement referont surface, et constitueront un cheval de bataille aux élections: le chemin de fer et la gare de Wavre, les lois qui touchent aux douanes, dans le domaine de l’agriculture. En très grandes lignes, on peut dire que le Brabant wallon se montrera assez conservateur, dominé par une riche bourgeoise campagnarde, mais sera plus porté vers le libéralisme que vers le parti catholique.

Valmy-Féaux complète son ouvrage en y incluant un répertoire des élus à la Chambre et au Sénat, avec leurs principales interventions et les épisodes qui les concernent. Encore une fois, un exposé à la fois clair et vivant, qui permet d’entrer au plus vif de nos institutions, aussi bien à l’échelon local que national.

Joseph Bodson