Jérémie Sallustio, Trente-trois tours, Lille, The BookEdition, colArabesque, 42 p.

Quelques lignes de type haïkus pour 33 fois égrener divers sujets aussi ordinaires que possible. Mais Sallustio leur donne un contenu particulier. Ce peut être philosophique quand il écrit, à propos de l’aurore : Qui peut dire / Si son silence de mort / Présage le vide ou le désir ?  ou encore, s’agissant du volcan : Sérénissimement seul / Il attend son heure / Laissant le temps au temps. Par jeu avec les signifiés, il associe marbre et tombeau : Sa peau transparente / Miroite l’attente / De l’ultime palabre.

Ce peut devenir mordant quand il définit le corbeau (dans le sens cher au cinéaste Henri-Georges Clouzot) : D’une seule plume / Il maudit le manteau / De l’innocence. Ce peut s’avérer métaphore à fort pouvoir iconique comme tel terril devenu Comédon des ciels de Wallonie. Le tout étant distillé avec une perception très aigüe de l’allusion, de la référence au second degré, du jeu de mots déguisé en poésie.

Sallustio est cependant  plus rarement visuel que ses modèles japonais. Il glisse souvent l’un ou l’autre mot abstrait qui transfuge l’image vers le concept. La concision suppose des non-dits à révéler, des associations à tisser donc une attention que la brièveté des poèmes motive.

Michel Voiturier