Alexis Alvarez Barbosa, Exercices de chute, l’Arbre à paroles,2014, 88 pp., 10 €.

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De simples exercices? J’en doute fort. Il y a là un ton tellement rêche, tellement dénudé, comme peut l’être un fil électrique…Un désespoir profond? Une énorme désillusion? Ou simplement l’emploi d’un certain ton, d’un certain vocabulaire, qui ont tôt fait de vous donner la qualité d’ « underground », ce qui est parfois devenu, en poésie, une sorte de label qui vous procure une audience garantie…Je ne crois pas non plus. Encore une fois, il y a là quelque chose qui vous serre le cœur, même quand c’est « trash », bien au-delà du « trash ». Et parce qu’il y a toujours, ou souvent, un certain détournement, ou retournement, comme on retourne une chemise pour en montrer l’envers. Mais ici, c’est de l’envers du monde qu’il s’agit, de l’envers de notre monde, qui n’est pas toujours drôle, même quand il prête à rire. Et Barbosa a un sacré talent pour vous dévoiler la réalité:

ma voix//je me l’enlève/le matin/et je la regarde/s’étrangler/là/comme ça/devant moi.

Comment ne pas se déglinguer soi-même, quand tout se déglingue?

Et ceci, peut-être le poème d’amour le plus triste de l’année:

je t’en vais/tu m’en vas//Laisse/la poussière/coloniser/les lèvres

et je pourrais vous en citer, ainsi, longtemps.

Alexis Alvarez Barbosa avait reçu, voici quelques années, le prix de poésie des jeunes de notre association. Une voix que l’on reconnaît à l’instant, peut-être un peu plus âpre, aujourd’hui, des années après. Une voix qui râpe, comme une râpe à carottes qui vous caresserait le visage. Lentement, posément, sans forcer la voix. A moins combien de degrés Fahrenheit?  Glauque? Peut-être. La vie l’est souvent. La dire? La rire? L’ennui. De quoi se pendre, parfois:

en bon père/de famille/je place toutes/mes économies/dans la/ monotonie

Et pourtant, cette monotonie, c’est celle de la vie.

Joseph Bodson