André Schaller – Et je ne vois qu’eux deux – Ed. Baudelaire – 112 p.- 13,50 €

 Le titre, en référence à la chanson de Brel (Orly) annonce la couleur et tout le tragique que peut avoir l’amour : on ne voit qu’eux deux, les amants du roman, elle, vingt-huit ans, lui, beaucoup plus âgé. Et encore, lui, on ne le voit qu’en filigrane, au travers des mots de la femme. On découvre leur histoire à travers son ressenti. Heureuse et amoureuse mais très tourmentée par l’absence de l’amant, parti pour l’été. C’est que leur liaison est vécue avec une terrible intensité. Donc l’absence aussi. Et l’inquiétude, le doute. Ils « ne se sont pas rencontrés, ils se sont tombés dessus ». Il n’est pas son premier, elle n’est pas sa première. Il sera son dernier, elle l’attendait depuis toujours. Lui, n’attendait probablement plus ce grand amour. Et dit-elle, « Jean m’aime mais je sais qu’il poursuivra sa course sans moi. »

Tout le livre n‘est qu’un long monologue, où l’auteur se place (avec aisance, semble-t-il) dans la peau de cette femme amoureuse, qui se donne à fond, avec passion, lyrisme, poésie, mysticisme même à cet homme. Il lui manque atrocement. Elle ne sait pas quand il reviendra, elle ne sait pas s’il reviendra. Son récit est ponctué de « Si Jean devait me quitter » puis de « Quand Jean me quittera ». Pour arriver à « Jean veut que je le quitte » – avant les ravages de l’âge.

Elle ne survit pendant ce mois que pour l’attendre, « pendue au bout de son amour », cloîtrée chez elle, à suffoquer de chaleur, à ressasser les souvenirs brûlants, à se repaître du bonheur de cet amour, à craindre aussi cette passion, qu’elle devine mortelle. Dans son esprit, Jean et elle sont inséparables, « pages paires et impaires d’un même livre ». Et dit-elle, « Où que je sois sans Jean, je serai en exil. Seule, je deviendrai une île. Une île sans trésor. » Mais elle accepte, elle se dit « fusillée volontaire », elle « aime son mur et ses balles ». Elle aime tout ce qui vient de Jean.

On pourrait craindre l’ennui au cours de ce long périple où une femme s’épanche à loisir mais c’est suffisamment varié et bien écrit pour conserver l’intérêt du lecteur pour cette amoureuse qui analyse, commente et détaille son amour et ses affres pendant plus de cent pages. 

Isabelle Fable