Anne-Marie Derèse,  La Vallée des Epices, Ed. Le Coudrier, 2016, 68p., 16€. Belles illustrations d’arbres, entourés de cheveux et de nuit, de Joëlle Aubevert. Préface de Jean-Michel Aubevert.

« Ton passage ne fut qu’un éclat de verre »

« Tu n’as plus d’ombre

mais ton esprit vit en moi »

« Depuis ma naissance,

je suis dans le couloir de la mort »

Ces fragments de « La Vallée des épices » d’ Anne Marie Derèse rôdent sans cesse autour d’une absence inacceptable.

Le premier vers « L’ombre écrase le chant des mortes » dit assez, pour qui a lu « La belle morte » (Ed. Acanthe), la ferveur filiale de la poète à l’égard des disparues de son « arbre ».

Comme dans le langage des tragédies, « le choeur des mortes » scande celui « des vagues »

De l’autre aimé, que reste-t-il?

De l’autre, à l’heure où « petite fille  » « rieuse » se souvient dans le corps du temps?

Il reste dans « tes seins de marbre …la mémoire des mères ».

Les prénoms invoqués, par leur proximité – Thérèse, Théra, entre extase, nuit, « jour suspendu », « miroir », tournent, virevoltent, disposent sur le plateau du temps la fragilité ou l’immortalité, quand toute parole – même poétique – semble si vaine, « illusionniste parée », paraît relayer la « poussière » d’un « souffle », le rien , et eppure « je voudrais te donner un coeur qui bat ».

La traversée des miroirs, chère à Cocteau et à son « Orphée » de l’écran (1950), n’est qu’une proposition finale qui se détruit elle-même :

p.52

« Je traverse le miroir. Tout est calme.

Nos esprits s’étreignent,

se fondent l’un dans l’autre.

Impérissables,

nous ne sommes plus qu’une lueur

dans la main de la nuit », mots de la fin

terribles dans leur cruauté.

   Philippe Leuckx