Anne-Michèle Hamesse, Ma voisine a hurlé toute la nuit, Cactus inébranlable éditions, 84 pp.

Un jalon important, certes, dans l’œuvre de Anne-Michèle Hamesse, et assez différent de ceux qui le précèdent. Ces dix nouvelles assez courtes nous offrent en un raccourci assez saisissant un cocktail de tous les plaisirs que les sens peuvent vous offrir, mais aussi de la tristesse, des désillusions que la vie vous réserve aussi parfois.

Des entrées en matière très directes, sans fioritures, avec une attention très aigüe portée sur les détails concrets. Ainsi, à la page 14, une pensée obsessionnelle se trouve très bien rendue: Je tiens à garder mon secret. Il me rend à la fois heureuse comme une gamine à qui on a promis un cadeau dont elle rêvait et aussi anxieuse, je ne sais pas quoi faire de ce secret, pour le moment en tout cas je ne veux pas le divulguer. Je le garde en moi comme un trésor, je le garde caché comme un vice inavoué, comme une chose honteuse que je ne veux surtout pas rendre publique.

A la page 16, c’est une morte qui parle – on met un temps à s’en rendre compte, et le trait final est fort bien amené. Une belle description aussi, p.18, de la solitude: Je n’ai plus personne à toucher, plus rien ne me répond, mes mains offertes ne tâtent que le vide, les accoudoirs du fauteuil sont bien rudes à mes désirs de caresses. Et, à la page 24: Les autres ne soupçonnent pas à quel point parfois on les attend, à quel point où les espère.

Le livre aurait pu s’intituler: Anthologie de la solitude et des menus plaisirs qui peuvent vous en distraire. Mais nous restons toujours, quoi que nous fassions, seuls, intimement seuls.

Les conclusions inattendues, en miroir, en toboggan presque, sont très adroitement amenées. Révolte aussi, transgression. Mais il y a dans cette révolte, même s’il s’agit surtout d’une révolte, d’un désordre d’imagination, une grâce légère, l’oubli des entraves convenues. On notera également une belle évocation des tableaux de Paul Delvaux, en parfaite harmonie avec le climat de ces nouvelles.

Et je ne pourrais mieux faire, en terminant, que de citer les deux phrases finales du livre:

L’amour finit toujours par revenir.

Ou alors, plus jamais.

Croyez-moi, ce n’est pas une tautologie.

Joseph Bodson