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Annie Préaux, J’ai immédiatement écouté les conseils de Dieu, Bruxelles, M.E.O., 120p. (14€)

Estelle est une octogénaire handicapée de la marche et de la respiration. Elle vit néanmoins seule, en autonomie, dans sa propre maison, entourée d’un kiné, d’une aide ménagère, de bénévoles, de voisins… Son fils lui manque. Écrivain et journaliste, il vit dans la capitale, loin. Elle décide donc d’utiliser l’ordinateur de seconde main qui lui fut offert pour lui écrire son existence journalière, ses pensées, ses obsessions, ses envies, ses lectures favorites.

Ainsi se dessine un des axes de ce nouveau roman d’Annie Préaux, « J’ai immédiatement écouté les conseils de Dieu » : la littérature et son rapport au réel. En effet, la vieille dame qui a le « cerveau fictionneur » entame, mine de rien, une réflexion sur la frontière qui sépare réalité et fiction, vécu et fantasmé, assumé et imaginé. S’y ajoutent des remarques à propos du rôle du livre, des lecteurs. Car « Les livres qu’on lit, c’est comme un train qui vous emmène, un avion, ou quelque chose de plus lent, de beaucoup plus lent d’ailleurs : par exemple les pieds du personnage qui part, qui s’enfuit ».

En périphérie, voici que sont abordés d’autres thèmes. Celui de la différence et de la tolérance à travers la relation d’Estelle et de Jasmine, son aide familiale belge d’origine marocaine. Celui des rapports mère-fils, grands-parents petits-fils, des familles monoparentales quand le papa est décédé trop tôt et surtout du vieillissement qui altère les potentialités physiques et les facultés de la pensée. Celui encore des liens qui unissent vivants et décédés, entre autres à travers le personnage du chien empaillé du salon. Celui enfin de la solitude engendrant, dit-elle, « ces idées qui agitent régulièrement mes méninges et qui, comme tu as déjà pu la remarquer, m’amènent à m’inventer un monde bien à moi ».

Au lecteur d’Annie Préaux de réagir comme Estelle : « J’aime bien les romans. J’entre dedans et parfois, je n’ai pas envie d’en sortir. J’aime batifoler avec des gens qui n’ont pas d’existence vraie et qui auraient pu être moi, ou me connaître, me côtoyer ». Il y a matière dans ce livre-ci doté d’un style qui épouse la fluidité de la parole au quotidien!

Michel Voiturier