Bernard Fenerberg,  Ces enfants, ils ne les auront pas !  Couleur Livres, 2013.

La Gestapo ne les aura pas eus, effectivement. Grâce, en grande partie à la témérité héroïque de quelques partisans armés, qui les cacheront et les soustrairont ainsi à la déportation. Les faits, racontés par l’auteur, qui avait à peine dix-sept ans en 1943, rappellent le dévouement et la générosité de nombreux de nos compatriotes qui ont sauvé des Juifs pendant la dernière guerre. Parfois au péril de leur vie.

Ce récit d’un résistant, juif lui-même, d’un vrai ketje de la capitale, nous fait revivre, en plus des actions menées par les « terroristes » contre l’occupant, toute une période d’exode d’abord, puis de misère noire, de privations, de clandestinité, de peur, de dénonciations, de traques, de réquisitions, de rafles, parfois traversée par de trop rares moments de détente (réunions amicales,  parties de danse au Toekomst, concerts au Cirque Royal, courses  de canotage…).  L’on redécouvre ainsi au fil des pages la ville de l’époque, les vieilles rues populaires des Marolles ou du Béguinage, ses petites boutiques d’artisans, ses tramways brinquebalants, que les contrôles de la Gestapo transformaient parfois en souricière. La vie tapie dans l’ombre, d’un logis à l’autre, la dissimulation sous de faux papiers, les arrestations, les parents emportés de Malines vers l’inconnu et que l’on ne reverra plus jamais, le sort si incertain, si tragique pour la plupart du temps, que vont devoir subir ceux que l’ Allemagne nazie aura désignés comme les boucs émissaires qu’il faut éliminer.

Et puis ce seront les pages émouvantes de la Libération, les retrouvailles avec ceux qui auront échappé à l’enfer, les étoiles jaunes qu’on arrache,  les nouvelles rencontres, les premières amours et les promesses d’un monde meilleur, enfin solidaire.

Un Congrès des Enfants Cachés, organisé à Bruxelles,  cinquante ans plus tard, permettra aux principaux protagonistes de cette histoire de se revoir avec l’émotion que l’on devine et de mesurer combien l’idéal et le sens du sacrifice de quelques-uns permettent de croire encore, dans les pires moments, en la grandeur de l’homme.

 

Michel Ducobu