Bob Boutique, Contes bizarres  1 et 2, Chloé des Lys, 2011, 244 pp., 23,60 €. Bob Boutique est un homme polyvalent: chanteur de cabaret, reporter, libraire, humoriste, dont la langue est plus proche de San Antonio que de celle de Philippe Sollers. On ne s’en plaindra pas trop: entre deux saints, il faut parfois choisir le moindre.

Il n’a qu’une confiance mitigée dans la bonté du genre humain, et elle se réduit à rien, ou presque, dès que l’on pénètre sur les terres du genre divin.

Il a en tout cas un art du récit remarquablement maîtrisé, avec une prédilection pour les nouvelles « en boucle », où le serpent (le diable) se mord la queue, où le malin est pris par où il avait péché. Un monde contrefait, où il prend le contrepied des clichés de pensée. Une écriture très moderne, qui entre directement dans le vif du sujet, sans tergiverser. L’électronique lui est familière, elle pourrait donner des idées aux écrivains qui n’en ont pas, leur fournir notamment des idées assez déroutantes sur le plagiat. Et l’on se rend compte, en le lisant, qu’internet, les blogs, l’informatique modifient plus profondément qu’on ne le croit le rapport entre l’auteur et le lecteur.

Ce n’est pas le marquis de Sade déguisé en petit chaperon rouge, mais tout de même, plus d’un grand méchant loup risque de s’y faire croquer. Des nouvelles parfois assez cruelles, certaines, comme L’idiote, commencent comme un conte de fées pour déboucher dans l’absurde. A la page 227, une de ses héroïnes définit assez clairement sa propre écriture: J’aime beaucoup. Elle part d’un petit détail de la vie courante et tire dessus comme on tire sur le fil d’un pull, pour en faire toute une histoire. (elle mime avec ses doigts)…qui souvent finit mal.

Et ça finit…aussi mal que ça peut finir. Dans un monde qui pourrait être celui de Simenon, mais visité par un coquin de sort qui entraîne les personnages dans un ballet à l’humour maléfique.

Bref, vous l’aurez compris, on ne s’ennuie pas, chez Bob Boutique.

P.S. J’ai lu ses contes à l’envers, le tome 1 après le 2: il confirme entièrement ce que j’avais noté. La première de ces nouvelles, tout aussi maléfique, nous décrit avec un magistral sens du suspense, les angoisses du monsieur qui hérite d’une île, et nous allons ainsi, de nouvelle en nouvelle, de surprise en surprise: la grosse dame au cœur d’or qui invite ses voisins parce qu’elle a gagné au loto, Blanche-Neige égarée dans le château de Barbe-Bleue…Plusieurs de ces nouvelles pourraient – presque – servir de scénario à un film d’horreur – suspense garanti. Mais Bob fait dans le court.

Joseph Bodson