Chantal Bauwens – Alzheimer, ma mère et moiEditions PIXL – 189 p. – 7,90 €

 Un récit poignant et douloureux que nous fait une femme confrontée à l’Alzheimer de sa mère. Un livre qui interpelle, et pas seulement au sujet de la maladie dont il parle, car l’auteur aborde ici bien des sujets qui nous touchent tous, de près ou de loin.

Que ce soient les couples mal assortis, les mésalliances qui durent et s’effilochent au long des ans, que ce soient les décès, les difficultés des relations sociales, des relations conjugales, des relations parents-enfants, les difficultés personnelles de chacun, les tocs de ceux qui gardent tout, les névroses, les hésitations à dire, les mensonges, les faux-fuyants, les refus de voir la vérité…

Le récit tourne autour de ce trio torturé : malade, maladie, proche aidant. L’auteur nous livre en vrac ses souvenirs, ses révoltes, ses emportements, ses doutes, ses réflexions, ses sentiments de colère, de haine, de pitié, de culpabilité devant cette intolérable situation face à laquelle elle se sent seule. Pas de mari, deux enfants, dont un autiste, un père atteint d’un cancer du poumon brusquement révélé et qui le mènera très vite à la mort.

La maladie du père a fait sortir de l’ombre la gravité de l’état de la mère, jusque là passé inaperçu, tant il se dévouait pour elle et tant le comportement de plus en plus insupportable de la malade restait dans la norme de ce qu’elle avait toujours été. Gigi avait toujours été une femme impossible et sa famille a supporté « ses crises de nerfs, d’hystérie, de boulimie, d’anorexie et ses scènes pour trois fois rien, les fêtes ratées, les départs en vacances avortés ou retardés, les mutismes prolongés, le désintérêt pour tout, les marques d’affection subites et étouffantes aussi, sans en connaître les raisons. L’attente de sa bonne volonté pour le plus petit événement, sa manipulation permanente, l’éternelle épée de son bon vouloir en suspension au-dessus de [leurs] têtes ».

Cette femme égocentrique, dépensière, hypocondriaque, névrosée maniaco-dépressive, écrasait son gentil bonhomme de mari, ignorait ses enfants, abhorrait le travail ménager, la vie en couple, en société, en un mot, ignorait tout ce qui n’était pas elle. Ne disait-elle pas en voyant son mari en fin de vie qu’il faisait l’intéressant alors qu’elle, par contre, avait mal au dos et les pieds qui gonflaient

Une femme inapte au bonheur, inapte à la vie même, et qui n’aimait rien ni personne.

Tout en faisant de son mieux pour prendre en charge cette mère qui s’accroche à elle comme à une bouée et lui en fait voir de toutes les couleurs, Chantal Bauwens s’interroge sur les causes de la maladie. Elle cherche des raisons logiques. Y aurait-il des causes génétiques ? Des causes psychologiques ? Serait-ce la façon de vivre de sa mère, son état d’esprit tourmenté pendant toute sa vie, qui aurait provoqué ces problèmes dans la vieillesse ?

Mais la maladie d’Alzheimer est d’ordre physiologique : c’est une maladie neuro-dégénérative. Ce n’est pas le fonctionnement du mental qui est en cause, c’est l’organe-cerveau lui-même qui se détériore et de ce fait, le fonctionnement en est de plus en plus perturbé.

Une dernière chose dont s’est plaint l’auteur, c’est de s’être trouvée si démunie, si seule devant la maladie de sa mère. Il existe aujourd’hui des associations utiles aux malades et à leurs ‘aidants proches’ – qui, eux aussi, ont bien besoin d’aide pour faire face. L’asbl Alzheimer Belgique, par exemple, la Vlaamse Liga et la Ligue Alzheimer, auxquelles de plus en plus de gens font appel, car cette maladie est de plus en plus courante avec le vieillissement de la population. Et, si on n’arrive pas encore à l’empêcher ni à la soigner, on peut la détecter plus tôt, en retarder l’évolution et améliorer la qualité de vie des malades et de ceux qui les soignent.

Le livre se termine par une intéressante annexe, qui répertorie les points à surveiller pour détecter une éventuelle atteinte de la maladie, à commencer par les pertes de mémoire, les difficultés à effectuer les tâches familières, la désorientation…

Isabelle Fable