Christine Van Acker – Ceux que nous sommes – éd. Weyrich – coll. Plumes du Coq – 181 pages – 14 €

 Des textes ultra-courts, des situations réelles, imaginées ou fantasmées, dans une atmosphère parfois étrange ou dérangeante mais toujours parfaitement rendue, en quelques mots qui font mouche. Des petits bouts de vie bien servis et bien accommodés. C’est chaque fois une surprise, une petite gourmandise à savourer, chaque scène étant évoquée avec beaucoup de réussite. Le monde de l’enfance et le monde de l’adulte, en filigrane l’un de l’autre, s’interpénètrent ou s’effleurent sans se rencontrer. Car parfois « les portes des histoires sont trop étroites pour y entrer ensemble » et les grands « restent assis au bord du conte ».

L’enfance resurgit en bulles furtives dans la vie des adultes, à l’occasion d’événements minuscules et fortuits, comme le fait d’offrir un paquet de bonbons Pez. Et avec l’enfance, les ressentis agréables ou non de cette enfance. Le passé, bien sûr, mais aussi le futur, comme cette femme qui pense à l’enfant qu’elle a été et à la « belle grand-mère » qu’elle sera, « miroirs l’une de l’autre, elles peuvent se regarder dans les yeux ». On ne fait qu’un, d’un bout à l’autre de sa vie, souvenirs et projets nous façonnent.

Ce sont des vies ordinaires qu’on nous donne à voir, avec des habitudes parfois connues, mais surprenantes cependant. Comme cette façon, dans certains milieux, de parler d’une naissance en disant : « Elle a acheté un bébé » ou cette façon d’appeler son épouse « Maman ». Interpellant quant à la teneur des relations et au poids des mots. Difficulté d’être et de dire.

Tout ça n’empêche pas l’auteur de pointer sans concessions certaines dérives de la société, comme ces enfants « bêtes de scène », qui n’ont plus rien d’enfantin et presque plus rien d’humain, poupées de concours. Déjà triste pour les animaux, ce principe de concours, mais plus indigeste encore pour les humains. Ou de pointer le « Ministère de l’éducation – ce valet à la botte des actionnaires » et cette enseignante, qui s’offusque de voir ses élèves de douze ans « jouer comme des enfants » dans la cour de récréation ! Il faut les mettre au pas, les intégrer au plus tôt dans une société basée sur le profit au détriment du simple bonheur de vivre. D’autres textes illustrent à merveille les affres de la vieillesse, la solitude, les soubresauts de la vie, la détresse des malades qui n’ont plus toute leur tête, de ceux qui s’abandonnent à l’alcool… Bien des sujets sont abordés dans une cinquantaine de mini-textes. Avec des mots choisis et bien choisis, car c’est très bien écrit, l’auteur nous offre un éventail de vie et d’émotions diverses. Sensibilité, sensualité, sens de l’anecdote et du raccourci, servis par une plume sobre et riche à la fois. Et des anecdotes… pleines de sens ! Rien de creux ou d’inutile.

A lire par ceux qui n’ont pas le temps de lire. Une page ou deux, vite fait, en passant… les textes sont si courts. Mais ne pas entamer le texte suivant demande bien de la volonté car c’est très tentant.

A lire et à relire, en gourmand et en gourmet, c’est un régal !

 

Isabelle Fable