ruwet      femme mosaïqueClaire Ruwet, La Femme mosaïque, Bruxelles, M.E.O., 2014, 116 p.

Ce roman est teinté de science-fiction. En ce pays, en cette époque, on porte des enjoliveurs de seins, on utilise des aérosols à hormones ; on voyage en fuseaux solaires ou en capsules préprogrammées ; on ne conserve plus les livres des années précédentes. Les préoccupations écologiques sont présentes et on lutte contre les clandestins.

 L’écriture de Claire Ruwet semble s’apparenter à une démarche que Françoise Parturier avait jadis tentée dans ce qu’elle appela « roman flash », c’est-à-dire un «refus de l’analyse, de la description, de la formule, de la jolie phrase longtemps posée »*. Ce sont donc des actions qui se succèdent, ligne après ligne, donnant priorité aux verbes, insufflant une forme de rapidité à un récit qui ne s’embarrasse guère de détails inutiles.

L’histoire elle-même est simple, voire ténue. Éliane, mosaïste, est mariée à Hector, artisan forgeron, son « homme-salamandre ». Ils forment un couple en pleine crise de routine. Elle part à la recherche de Pedro, son « homme-loup », amant de jeunesse disparu voici maintenant quarante ans, malgré qu’ « entre eux, il y a tout cet espace-temps infranchissable ».  On la voit « tiraillée entre un corps affamé et une tête qui lui faisait non. Et le cœur écartelé au milieu ». On l’entend se définir : « Je ne suis qu’un fragment […] imbriqué parmi d’autres fragments d’une mosaïque en mouvement, […] sans pouvoir sur ce qui s’est passé avant et sur ce qui viendra après ».  Du doute à l’espoir et vice-versa, elle cherche cependant des traces qui la mèneraient sur une piste, tout cela sur fond musical du groupe Sade et visuel des architectures extravagantes de Gaudi.

 Son séjour à l’étranger se déroule par petites touches, moments éparpillés comme les tesselles qui composent une mosaïque. Quelques rencontres, des problèmes du quotidien à résoudre, une obstination inquiète en forment le dessin, en quelque sorte une spirale qui emporte le personnage vers un face à face avec son passé. Reste au lecteur à se laisser mener, page à page, là où se dénouera la fin de cette quête, réparatrice ou libératrice, ressourçante ou décevante. Ni véritable roman d’anticipation, ni bluette sentimentale, le livre de Ruwet est un portrait morcelé de femme habitée par des désirs, une parabole de la déculpabilisation.

 

   * Françoise Parturier, « Le plaisir donne sur la cour », Paris, Presses Pocket, 1968, p.9

Michel Voiturier