Clameurs du Jour, Jean Chatard, Editinter.

Vignette de couverture : Claudine Goux

 

Chatard monterait-il sur ses grands chevaux ? « On mutile mes flancs on / chevauche mes nerfs », écrit-il dès le deuxième poème qui se clôt sur ce constat : « J’habite l’œil parfois / et d’autres fois la peur. »

Ainsi d’emblée, le ton est-il donné, et le « on » des poèmes en est la marque révoltée, revendicatrice. « Personne ne m’attend sur le parvis du froid », dit le poète égaré entre une mer « mis[e] sous clef » et « une guerre quelque part ».

Et s’il « est vrai que nous coulons / dans ce décor fané / où rit la démesure où penche l’épervier / c’est vrai que nous mentons. » Lucidité du poète qui moule son vers sur une pensée musclée d’avoir donné des coups de poing sur le punchingball de la vie.

Pourtant la tendresse est là, vécue comme « une danse du feu », et c’est elle qui fait lever l’ancre/encre. « Le bonheur est peut-être cette blessure au front qui courbe les sourciers et démâte l’ennui. » On le sent proche, ici, d’Apollinaire, et son vers, en effet, par son envol libre et cadencé, se place dans le sillage du grand aîné.

La première séquence du livre contient de longs poèmes suivis de « Petits gestes singuliers », suite de fragments de un à quatre vers, et de « Les folies », contenant neuf textes, de « Folie ridicule » à « Folie générale ». Ceci permet au poète de clôturer son livre sur un vers, en somme, récapitulatif de l’ensemble : « Ecoutez rire vos terreurs ».

« Clameurs du jour » est le constat poétique d’un monde éclaté dans lequel Chatard tente de trouver sa place et de recoller les morceaux en s’appuyant sur ses fondamentaux : la métaphore, le chant rythmé et la pensée faite interpellation. Un souffle !

 

Béatrice Libert, Liège, ce 2 décembre 2014.