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Claude Raucy et Cédric Lamkin – Gestapo et chocolat – éd. Memory – 76 p- 12 €

Un livre à deux mains, au titre surprenant, et surprenant à  plus d’un titre ! C’est qu’il porte en bande annonce Roman culinaire ! Claude Raucy, auteur littéraire, et Cédric Lamkin, jeune chef ambitieux, ont uni leurs talents pour nous concocter ce premier volume de la collection, flattant à la fois l’esprit et les papilles… dans la mesure où sont jointes les fiches-recettes des menus que s’offre le héros.

Julien a donné rendez-vous à Valentin à Williers, petit village du côté d’Orval, afin departager  leur passion commune pour le chocolat et d’écrire ensemble un livre sur ce savoureux sujet. En fait, ils ne se connaissent que par courrier électronique et le chocolat n’est qu’un prétexte. Julien a choisi Williers, le village où vivait son grand-père, qu’il adorait mais dont il ne connaît pas vraiment le passé. Il sait que le parcours de son grand-père a croisé celui du grand-père de Valentin il y a deux générations de cela, à une époque troublée où les uns devenaient les bourreaux des autres presque par inadvertance, parce qu’il fallait bien, c’est la guerre qui veut ça, nous, on n’y peut rien. On n’y peut rien surtout septante ans après. Alors pourquoi vouloir réveiller le passé ?

C’est que Julien voudrait tirer ça au clair, en parler pour qu’un pardon puisse soulager les âmes. Ce qui nous donne un livre tout en contraste, entre les délicieux souvenirs que suscite ce retour aux sources à Williers et les douloureuses questions qui le tourmentent à propos de ce cher grand-père, entre les balades bucoliques et les scènes odieuses imaginées, avec les haltes gourmandes au restaurant Chez Odette, où le menu nous est servi sur papier glacé.

Tout comme le chocolat n’est qu’un prétexte pour Julien, le récit est, semble-t-il, un prétexte pour nos deux compères afin de nous faire goûter aux charmes de la région, ses paysages, ses habitants et ses délices culinaires, dont on nous distille les saveurs tout au long des pages, pour boucler le récit en quelques scènes, de manière inattendue. Julien reste avec ses questions mais il a trouvé autre chose, de plus intéressant peut-être… pour la paix de son âme. Le soufflé retombe, il tourne la page.

Mais la question reste posée : doit-on se sentir responsable des actes posés par les autres ou exigés par les autres au nom de la science ou d’une quelconque idéologie ? Peut-on conserver son esprit critique et son pouvoir de décision, quelle que soit la pression extérieure ? Pas toujours évident. Il suffit de rappeler l’expérience de Milgram, où les « testés » n’hésitaient pas à administrer des secousses électriques de plus en plus fortes aux « cobayes » (des acteurs qui simulaient) malgré leurs cris et leurs supplications, simplement parce que l’expérimentateur le demandait, … ce qui supprimait dès lors leur propre responsabilité, puisqu’ils ne faisaient qu’obéir aux instances supérieures au service de la science.

Ce petit livre, qui pouvait sembler anodin, est peut-être plus grave qu’il n’y paraît ?

Isabelle Fable