Colette NYS-MASURE, Anna, Weyrich, coll. La Traversée, 2013,….. euros.

 

Anna, Colette NYS-MASURE, Weyrich, coll. La Traversée, 2013, 7,90 euros.

D’emblée, la photo de couverture interpelle. Et l’on se rendra compte qu’elle n’est pas seulement l’annonce ou la figuration d’un texte, mais qu’elle en fait partie, qu’elle le clôture et en constitue le prolongement.

Au commencement, il y a Anna, qu’on va découvrir au fil de l’écriture à la fois sobre, fluide , tracée à la fine pointe de Colette Nys-Masure, Anna dont on partage le réveil pénible, l’attente dans cette gare « aux odeurs de pipi et de vomi », l’émerveillement lorsqu’elle entend l’accordéoniste et cette chanson Mon amant de Saint-Jean  (nous quitte-t-elle vraiment, au long du récit, cette émouvante rengaine des années 40 ?), la perplexité devant «  l’image du journal ». Colette Nys-Masure nous la rend émouvante cette Anna, qui, dans sa solitude, se raconte des histoires avec ses collages, Anna qui se meut dans le monde comme ce personnage « hors champ » de Sylvie Germain : « Anna se dit qu’on ne la voit même pas. Elle n’existe pour personne » .

A l’école, Anna, qui aimerait avoir un enfant et se contente de regarder ceux des autres,  sent la vie autour d’elle. C’est là qu’elle fera une mauvaise chute – elle courait pour relever un enfant qui pleurait- , cause d’une commotion cérébrale. Mais, celle-ci va tout déclencher : ce lundi, à l’hôpital, elle reconnaît cet air qui monte du trottoir vers la fenêtre : Mon amant de Saint-Jean , et le souvenir lui revient. A partir de là, le personnage de l’accordéoniste, Costa, un Roumain,  qui n’a un permis de séjour que pour quelques mois va s’affirmer : « Ils ne se perdront plus ».

Et Costa connaîtra Anna : avec la délicatesse qui est la sienne, Colette Nys-Masure nous ouvre l’horizon du lit partagé, les gestes de l’amour,  la première et  la deuxième fois. C’est l’image du journal qui finalement revient, d’une fille étendue sur le sol, un garçon couché sur elle, mais entre des hommes casqués, ce qui nous laisse devant une scène de violence.

Alors Anna se dit qu’elle aidera Costa à obtenir un permis de séjour définitif, qu’ils joueront peut-être un jour de l’accordéon ensemble dans les rues. Oui, « parfois on rêve si fort que le rêve devient réalité » et ils ne se quitteront plus. Le livre se clôt sur l’image du journal: ils remarquent la tendresse entre le garçon et la fille ;  Anna en a compris le sens  : Elle murmure : Costa, je t’aime.

On sort de ce beau livre désemparé : qu’ils sont beaux ces amants de Saint-jean, combien émouvante est Anna qui, dans le cocon de sa chambre, se promet qu’ils ne se quitteront jamais. On voudrait partager sa ferveur : oui, il y a bien de la tendresse entre le garçon et la fille de l’image. Et on voudrait qu’elle n’éclate pas cette bulle qui entoure les amants. Mais, la violence autour d’eux ? Et la dureté de la situation d’émigré ? On ferme le livre et la chanson va son chemin dans nos mémoires : « J’étais folle de croire au bonheur »……

C’est un beau livre, une fois de plus, que nous donne Colette Nys-Masure, un livre fort qui ne se clôture pas avec la dernière page.

On ne peut clôturer cette recension sans mettre l’accent sur la collection « La Traversée ». C’est à l’initiative de Lire et Ecrire Luxembourg que des écrivains belges ont décidé de s’engager dans La

  

Traversée, nouvelle collection, publiée chez Weyrich, destinée à des adultes faibles lecteurs ainsi qu’à tous les passionnés de bons livres. Est ainsi rencontré le souhait formulé par des adultes en démarche d’alphabétisation, des adultes débutant en

lecture.

 

                                                                                                                  Michel WESTRADE

                                                                                                                             Le 20 novembre 2013