Colette Nys-Mazure, Françoise Lison-Leroy, photographies d’Iris Van Dorpe, En train d’écrire.  Les déjeuners sur l’herbe, 68 pp, 20 €.

Ce n’est pas la première fois que Colette s’intéresse aux trains, et Françoise a eu la chance d’avoir un papa qui bricole…Iris  Van Dorpe s’est faite leur complice pour capter au passage, dans un style très moderne, où les rectangles dominent, flous ou bien précis, les paysages qui s’enfuient, les vitres qui s’ouvrent, se déploient, s’élargissent. Un livre qui est presque un retour aux pays d’enfance, où tous ces paysages entrevus au passage, ces ponts, ces rivières, ces usines et ces champs, étaient évocations de lointains et d’aventures sans cesse renouvelés. Il y a en chaque adulte un enfant qui somnole, et les voyages en train réveillent ses rêves.

Mais écoutez plutôt:

La voiture fend le paysage. Et l’avion, la planisphère. On dirait que l’île cherche à rejoindre le continent, tel un enfant qui s’attarderait à travers vagues. On zèbre la carte du monde.

Quelque part, un facteur roule à vélo. Dans son sac, la lettre se cache entre un document et un tract publicitaire.

D’un méridien à l’autre, elle a choisi la patience. Elle garde ce qu’il faut de mots pour la rencontre inespérée.

Voyages, paysages…Peu à peu, le réel, le quotidien, avec tous ses ennuis, ses aléas, s’efface, se déréalise pour se transformer en un ailleurs, un autrement au bout duquel, peut-être, se profileront d’autres réels, d’autres quotidiens. Etrange magie que celle-là, où il nous semble être le jouet d’un habile prestidigitateur grâce à qui nos vies peuvent soudain se transfigurer.

Mais tout, chez les trois voyageuses, est affaire d’invention légère, de trouvailles paysagères et langagières. Tous les petits words du Wordshire se trouvent requis, et les vitres tremblantes, les arbres envolés, avalés, et comme enfermés dans une simple bouteille d’eau.

Les trains portent les contes, romans, poèmes et ceux qui les effeuillent. Ils vont leur chemin de traverse. Ils ont des jambes, des bras qui font corps avec eux. On les croirait sortis d’un album déchiré, démantelé.

Très loin, les convois déversent leur incroyable marchandise. Petits êtres feuillus, serrés comme en bibliothèque. Ils se détachent et filent vers les maisons.

Là, quelqu’un les entr’ouvre.

Joseph Bodson