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Confluences, mythes et histoire, Confluencias 21 – Série belge II. Textes réunis et édités par Marc Quaghebeur et Laurent Rossion, avec la collaboration de Nicole Leclercq. Archives et Musée de la littérature – Faculdade de letras de Coimbra. Septembrte 2012, 468 pp.

Un volume copieux, avec des collaborations nombreuses, qu’il n’est pas possible de citer toutes en cet article. Mais toutes ont trait, de près ou d’un peu plus loin, aux rapports entre l’histoire et la littérature, en Belgique, depuis les origines de notre littérature jusqu’à l’époque actuelle.

Ainsi, une belle étude de Fabrice van de Kerckhove : Le chemin nuptial (1895) – à propos d’une note de Maurice Maeterlinck sur le roman de Robert Scheffer. Scheffer, bien oublié aujourd’hui, avvait été de ceux qui, avec Octave Mirbau, avaient contribué au succès de Maetelinck. C’est à sa demande que Maeterlinck rédigea cette préface ; mais le roman de Scheffer, notamment par son évocation des liens immatériels qui peuvent se créer entre les êtres, et des dialoguesd’âmes, avait des vues assez proches de celles de l’auteur de Pelléas et Mélisande, qui utilisera d’ailleurs le texte de cette préface pour certains de ses livres. On trouvera là une bonne évocation de son évolution. Camille Viéville : Balthus et les poètes : Sur un portrait oublié de Jean de Boscchère. Balthus n’a guère peint de portraits, mais des liens d’amitié existaient notamment entre Antonin Artaud, Jean Cassou, de Bosschère et lui. Belle occasion de remettre en lumière la figure de Jean de Boscchère, trop oublié aujourd’hui, de Bosschère qui était aussi peintre, par ailleurs.

Geneviève Michel évoque Les rapports entre le groupe des Lèvres nues et l’Internhationale lettriste (1954-1957), rapports assez complexes, du fait que les deux mouvements n’évolueront pas en parallèle, tandis que Sylvia Schreiber retrace la carrière d’Aechinsky à Paris (Aristes-écrivains belges à Paris et leur fonction culturelle. Pierre Alechinsky, l’artiste émigré), et retrace par la même occasion les débuts du groupe Cobra, qui, comme son nom l’indique, voulait prendre ses distances par rapport à la France.

L’entretien d’Hugues Robaye avec Jean-Claude Pirotte : L’Europe des connivences : une pensée géopolitique chez Jean-Claude Pirotte ? – le point d’interrogation est ici le bienvenu, on peut admirer la poésie de Pirotte sans se fier trop à ses vues sur la géopolitique, ni à l’idée d’une Europe lotharingienne, qui fut bien le cheval de bataille de Pierre Nothomb, mais aussi celui de Léon Degrelle.Citons encore Michel de Ghelderode : du fantastique à l’illusion comique, d’Éric Lysoe, qui met bien en lumière ces deux versants du théâtre de Ghelderode, ainsi que l’influence qu’exercèrent sur son théâtre Edgar Poe et Hoffmann.Une production fantasmatique, en trois actes comme les rêves…

Brigitte Brasseur-Legrand retrace la vie et l’œuvre d’un écrivain assez oublié, Jan Van Dorp (Oscar Van Godtsenhoven), qui eut une enfance et une jeunesse très chaotiques, et collabora au Nouveau Journal de Paul Colin, ce qui lui valut d’être arrêté à la fin de la guerre. Son Flamand des vagues témoigne d’une étude approfondie de l’histoire maritime belge et de la Compagnie impériale des Indes, au début du régime autrichien.

Un texte un peu ardu mais plein de subtilité de Laurence Pieropan, Suzanne Lilar : un théâtre de l’extase lucide ou une réflexion lilarienne sur la raison d’état, affirmation du retour à l’unité qui aboutit à une vision positive de l’existence, ce dont témoigne le dénouement de son Burlador. Un axe dans cette recherche : la coexistence dans l’être de l’i-dem et de l’is-dem.

Émilienne Akonga retrace dans Henri Bauchau, les Naufragés de l’histoire ou la blessure historique, ce qui constitua effectivement une véritable blessure dans la vie de l’auteur et l’amena à s’expatrier, son rôle à la tête du Service du Travail, par lequel il espérait contribuer au relèvement de la Belgique vaincue. Ce service finit par être récupéré par l’occupant, ce qui amena le retrait de Bauchau.

Marc Quaghebeur, dans Permanence et avatars du mythe du XVIe siècle, dans la littérature belge de langue française, après La Légende d’Ulenspiegel, brosse un tableau magistral de l’histoire de nos lettres, pratiquement depuis leur origine jusqu’à l’époque actuelle, réunissant en un seul faisceau les différents thèmes ici abordés, et appuyant notamment son intervention sur quelques auteurs-phares : Ghelderode, Willems, Yourcenar et Rolin notamment.

Nous citerons encore la contribution d’André Bénit sur les positions prises par les hommes politiques et écrivains belges au moment de la guerre d’Espagne, qui ne furent pas exemplaires dans le chef des politiques. Quant aux écrivains, s’il n’y eut pas d’auteurs depremier plan pour participer aux combats, il faut souligner que le poucentage des Wallons parmi les engagés volontaires y était largement prépondérant.

Un bel article encore de Philippe Ivernel : L’Homme qui avait le soleil dans sa poche, Scènes de mémoire pour un temps d’oubli, à propos de la pièce de Jean Louvet, et une étude de Dominique Ninanne sur la pièce de Michèle Fabien consacrée à Charlotte de Belgique.

Sans oublier, bien sûr, la préface de Laurent Rossion, explicitant la démarche choise et le plan suivi dans l’ouvrage.

Il est à souligner que pour plusieurs de ces articles des documents conservés aux AML ont servi de point de départ et ont été remarquablement exploités. Un regret : les citations, bien souvent, ne sont ni placées entre guillemets, ni mises en italiques, ce qui ne facilite pas la lecture. Mais, encore une fois, l’ouvrage constitue une contribution de premier plan à l’histoire de notre littérature.

Joseph Bodson