CORRESPONDANCE DE MICHEL DE GHELDERODE, Tome X, 1961-1962, établie , présentée et annotée par Roland BEYEN ; index illustré des tomes I à X, édition établie par Roland BEYEN. AML EDITIONS, 2012.

Travail titanesque entrepris pas  Roland BEYEN que celui de l’édition de la correspondance, de 1919 à 1962, de Michel DE GHELDERODE :cinquante années consacrées à l’étude de ces écrits. Et l’on attend un ouvrage racontant sa « passion pour Ghelderode »…..

Le présent tome X s’ouvre sur une lettre de Ghelderode à Michel Bailly, du 22 janvier 1961, et se clôture sur une lettre du même à René Herman, du 5 mars 1962, lettre émouvante s’il en est où apparaît, pour la dernière fois, l’univers ghelderodien  avec ces « anges de Flandre (qui) jouent du mirliton, dans l’attente de Pâques et des fanfares célestes », avec  « Notre bon Saint Antoine (qui) vit des filles nues…. Les dévora des yeux, les carbonisant de feux…indignés » (p.430). Le 1er avril 1962, Michel mourait. C’est qu’il était venu  « cet archange cuirassé d’acier noir, ce squelettique chevalier à la visière baissée sur son terrible masque…. » (Lettre à George Hauger, du 7 juillet 1961, p. 237).

Roland Beyen annonce la couleur : ce tome X n’est « pas une anthologie des plus belles lettres de Ghelderode, mais une biographie épistolaire »[1]. Ainsi de déroulent devant nos yeux les derniers mois de Ghelderode : ses diatribes contre la Belgique, contre son médecin personnel, les soucis causés par les représentations – et traductions – aux Etats-Unis et en Italie, la sortie de Sortilèges et autres contes crépusculaires dans la collection Marabout, son coup de foudre pour Renée Claire Fox, ses lettres à Jean Ray, Suzanne de Giey, Henri Vernes, Madeleine Gevers, etc….. Cette correspondance nous donne à mieux connaître Ghelderode, son parcours, mais surtout, c’est un vrai bonheur de découvrir l’épistolier, cet homme dont la prose de conteur et de dramaturge ressurgit ici, étincelante. Un exemple, cette lettre du 5 juillet 1961, à Michel Deltheil : « ….Mais voyez, le Grand Macabre me rend mes ficelles, je danserai encore au bal des Visages blancs, sous l’ombre des hautes courtines, des catafalques somptueux, aux polyphonies filtrées des orgues Limonaires, asthmatiques…. » (p.236). Oui c’est bien l’écrivain, fils de Bosch, de Bruegel, de Dürer, avec un arrière fond d’héritage espagnol qui trouve ici à s’exprimer. Oui, on croirait une procession à Grenade « à l’heure où les premiers cierges du Salut s’allument et font danser aux églises béantes les ombres infernales des antiques vieilles…. » (Ibid.).

Il convient d’ici saluer  les notes et le répertoire des correspondants qui complètent l’ouvrage et lui donnent tout son relief : travail ardu, patient, indispensable

Enfin, paraît, parallèlement, un index double : des personnes et des textes de Ghelderode, le premier reprenant tous les noms mentionnés dans les dix tomes de la correspondance[2] , le second incluant dans les textes les interviews et entretiens. Nul doute  que ces index contribueront, ainsi que le souhaite Roland Beyen « à une meilleure connaissance d’un homme extraordinairement complexe, parfois odieux mais dans l’ensemble très attachant, qui ne fut pas seulement un dramaturge innovateur et un conteur fascinant, mais également un épistolier génial ».

M.WESTRADE



[1] Pour une biographie de M. DE GHELDERODE, v. J. VANDY, Jeanne et Michel de Ghelderode, La guerrière et l’archange, cette revue, 2013, n° 36, pp. 37-40.

[2] « à l’exception des éditeurs commerciaux, des collectionneurs et de quelques personnes épisodiques ».