engagement-couv-seuleCyrille Sironval, L’Engagement, Cuesmes, Le Cerisier, coll. Place publique, 2014, 190 p (14€)

Sironval est un citoyen inhabituel. Né en 1922, il fut, tour à tour et souvent simultanément, résistant distribuant le journal clandestin Liberté entre Liège et Verviers, militant communiste, professeur de biologie végétale à l’ULg, membre de la Classe des Sciences de l’Académie royale de Belgique, fiché par la Sûreté de l’État pour son activisme social. Deux permanents de la FGTB verviétoise, Daniel Richard et Thierry Sacré, l’ont décidé à sortir de la modestie de son anonymat pour témoigner de ce qui l’a animé depuis son adolescence.

La première partie de son livre, Sironval la consacre à expliquer, à la lumière du marxisme, l’évolution socio-économique de notre pays en général et de la région verviétoise en particulier depuis la révolution française de 1789. Il souligne de quelle façon a progressé et a été réprimée chaque « tentative de substituer l’ordre prolétarien à l’ordre bourgeois ».

Il passe en revue les étapes historiques soit locales en lien avec l’industrie textile de sa région natale, soit internationales depuis l’impact économique du blocus napoléonien des produits anglais à la guerre d’Espagne de 1936 précédée de la fondation du P.C.B. en 1921. Ceci en passant par la parution du manifeste du parti communiste en 1847, les massacres de la Commune en 1870,  l’exploitation du Congo dès 1885, les diverses Internationales, la révolution russe de 1917.

Cette vision est intéressante parce qu’elle éclaire à sa façon bien des manœuvres politiques qui ont façonné le monde tel qu’il est aujourd’hui. La façon dont se sont construites et défaites les alliances durant la seconde guerre mondiale est particulièrement significative. Ainsi, la passivité européenne face à la montée du nazisme trouve sa raison dans le fait que les régimes capitalistes étaient convaincus qu’Hitler avait pour objectif principal de s’emparer de la Russie soviétique, donc de liquider le danger d’expansion du communisme dans les autres pays.

La seconde partie du livre s’attache plus particulièrement au travail militant de Sironval jusqu’à la fin de la guerre. L’auteur, ne se répartissant jamais de son esprit scientifique, pratique une écriture froide, objective, distanciée. Aucun pathos, aucun sentimentalisme dans les faits qu’il raconte en évitant de s’abandonner à des anecdotes. On lui appliquera volontiers cette remarque qu’il formule à l’égard d’un de ses chefs de réseau clandestin : « il commente – pas de bavardage ». Il ne tente donc jamais d’émouvoir, de s’épandre sur son passage incongru dans un camp de jeunesse hitlérienne quand ses parents l’envoient en Allemagne perfectionner son allemand avant la guerre, de dramatiser la torture ou les passages de prison en prison, de glorifier une conduite qu’il se refuse sans aucun doute d’entendre qualifier d’héroïque.

La dernière partie de ce témoignage décrypte le monde actuel, celui qui a rassemblé l’Europe. Ce grand espace commercial où « la concurrence que les produits fabriqués ont à livrer sur les marchés pour être vendus exige d’abaisser les prix, et la différence, ce sont les salariés et non les patrons qui la débourseront ». Notre essayiste va donc démontrer, de manière didactique et quelquefois répétitive, par quels processus, petit à petit, nous en sommes aujourd’hui parvenus à la dictature du capital sur les états, et ce avec la complicité d’élus tels que feu Paul Vanden Boeynants ou Jean-Luc Dehaene par exemple. Il est en tout cas persuadé de « l’utilité de la connaissance du passé pour baliser ce que pourrait être l’avenir ». Ce qui, finalement, plutôt que d’être une autobiographie, est l’objectif véritable de ce livre de réflexion.

Michel Voiturier