Daniel Simon – A côté du sentier – éditions M.E.O. – 140 pages – 15 € A travers une petite vingtaine de nouvelles, Daniel Simon nous dresse un état des lieux de la société telle qu’il la voit, surfant sur l’air du temps. Et on ne peut pas dire que les nouvelles soient bonnes, il parle de « dimension crépusculaire », et il se dégage en effet de l’ensemble du livre une impression de noire mélancolie. L’horizon semble plutôt bouché, comme nous le suggère déjà le paysage de couverture barré de noir entre deux gris funèbres, crêpe de deuil sur un revers de veste. La plupart de ces nouvelles ont déjà paru en revue (Marginales et In de Keukeler) et sont assemblées ici pour montrer l’humanité cheminant « à côté du sentier », se tordant les pieds dans les ornières des bas-côtés, pour arriver trop souvent à une impasse. Et il suffit de peu de chose pour que ça dérape : une dent perdue peut mener à perdre bien d’autres choses. Mais il y a heureusement encore des rayons de soleil… L’homme privé par le « crabe » du cancer de la femme qu’il aimait et qui arrive à la retrouver dans les clichés neuronaux et les photos d’IRM, derniers témoins de sa vie terrestre, mais aussi dans les étoiles qu’il observe au télescope. Il y a ce garçon presque aveugle qui va être opéré, ou cet homme condamné par la médecine, qui connaît une rémission quand il commence à s’investir pour une femme et ses enfants. De quoi ne pas désespérer entièrement de l’humanité et de son destin. Car il en est qui désespèrent au point de souhaiter non « l’élimination de l’humanité, rêve inapproprié et sans fin », mais un sérieux élagage, par la création de « Centres » où tous les « ravissements (drogues, plaisirs et assuétudes) » seraient non seulement permis mais obligatoires, supprimant par le fait même bon nombre de consommateurs (« accidents, effets de panique, troubles cardiaques et respiratoires, crises d’angoisse, haine de soi, suicides collectifs…). Les assuétudes briseront toute velléité. La stérilité, le repli sur soi, l’abandon des autres, la désintégration sociale permettront d’accélérer encore le processus de décomposition ». Ce charmant programme est accueilli comme « globalement positif ». Mais il y a plus noir encore, tel ce metteur en scène abject qui tient prisonniers les acteurs de son théâtre dans des conditions épouvantables, pour les amener à l’excellence du jeu par la déchéance et la soumission totale. La scène tourne à l’apocalypse quand la salle devient le théâtre d’un massacre organisé des spectateurs. Heureusement que « l’auteur n’est pas ce qu’il écrit » et que, nous dit Daniel Simon, « la littérature est une mise en perspective de ce que l’auteur voit, ressent, comprend du monde et qu’il pousse en avant, pour toucher un peu plus près les limites du genre ou de la situation »… Isabelle Fable