Danielle Gerard, Passer par la nuit, poèmes, éd. Dricot, 60 pp., 12 €. Préface de Véronique Flabat-Piot.

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Notons tout d’abord que ce recueil a reçu le Grand prix de poésie de la SPAF et le prix de l’édition Marcel Dricot 2013.

Une poésie plus ample, plus oratoire, si l’on veut, que celle à laquelle Danielle Gerard nous avait habitués. Plus diluée, plus claire peut-être. Par son inverse, la nuit, donner un sens à la journée.

Avec des visions parfois assez sombres, comme, à la page13:

Ce ne sont plus

Que de pâles rêves orphelins

A la charpente habillée de fissures,

Aux membres écartelés parmi les ombres

 

Au plus profond de la nuit

Un monde souterrain

Demeure inexploré

Il faut bien sûr rappeler que la nuit est un sujet favori des mystiques, comme St Jean de la Croix ou Thérèse d’Avila. On trouve ici, p.16 par exemple, un peu de leur style, de leur ton. Ou bien, p.19, une accumulation de métaphores. A la page 21, l’heure, en liaison avec l’ombre, entraîne cauchemar, suffocation, mal-être physique, l’angoisse, au sens étymologique du terme: un resserrement.

Mais, p.21 encore, la liaison hypothétique entre la nuit et la source. Une musique ici plus souple, la phrase en est comme apaisée. Nous passons de la nuit-monstre, gouffre, à la nui qui est comme une sorte de mère, un cocon protecteur, une matrice. D’où, p.24, le souhait de voir venir le sommeil. Il s’agit bien d’une nuit aux deux visages. Et la p.30 nous confirme qu’il s’agit bien d’un trajet personnel, d’une expérience mystico/ésotérique. Tout le recueil est bâti sur cette dichotomie: abattement/renouveau, l’ombre et la lumière. D’où l’exclamation finale, p.37: Que vienne le jour! , qui est comme un rappel de Paul Valéry: Le vent se lève/Il faut tenter de vivre.

Certains passages, comme le début de la p.38, ont un ton quasi évangélique, qui est aussi celui de Khalil Gibran, de Tagore, mais ici, le contexte n’est pas tout à l’apaisement. Et bien sûr on notera, comme très souvent chez Danielle Gerard, de grands bonheurs d’expression, comme cette liaison de la nuit au feu, p.48, ou les deux derniers vers du recueil, p.57:C’est le jour/Que j’attendais. Car passer par la nuit est tout autre chose que de passer la nuit, d’un simple écoulement du temps à une épreuve quasi initiatique, une transfiguration de la nuit.

Joseph Bodson