Denys-Louis Colaux, Ce que, s’il fallait croire, je croirais avoir été Jacques Flament Editions 2016, 154 pages, 15 euros

 Je n’ai hésité que l’espace d’une minute ou deux, étant tombée sur cette phrase du livre, à la page 120, « rien ne m’indispose comme l’avis (favorable ou négatif) des gens sur mes écrits ». J’espère que l’auteur ne m’en voudra pas trop pour cette chronique, et j’ose même espérer qu’il la lira!

Le livre de Denys-Louis Colaux, non des mémoires, plutôt des traces de vie, racontées sur le mode d’un long poème symphonique.

Deux récits, deux époques alternent, celle de l’adolescence, pleine à ras bord de ses émotions et de son amour un peu candide pour les femmes ; l’autre, qui doit se situer à peu près aujourd’hui où, cheminant dans la forêt, il pense, se souvient, s’émeut, râle aussi de temps en temps. Des souvenirs souvent poignants, de ceux qui marquent une vie.

Denys-Louis Colaux se dévoile beaucoup. De nature inquiète, il se laisse aller pour nous à ses enthousiasmes et coups de gueules, et on comprend qu’il peut détester avec la même énergie qu’il adore. Des paroles d’enfant, de père, d’amant, d’amoureux des livres (qui le « maintiennent à l’écart du monde », qu’il aime « pour leur capacité d’absorption de l’âme et pour cette vigilance d’esprit qu’ils réclament à tout instant ») et de la nature (surtout la forêt, un lieu « pour songer en rythme. Songer non au pas, mais dans l’hésitation de la marche curieuse »), de croyant désillusionné. Des paroles de sage, aussi, car même si la pudeur le retient « de pérorer, de donner une impression de gravité ou de savoir », l’on tire de ce livre des leçons de philosophie à la manière de Montaigne, des leçons d’humanité.

« La vie frémit avec toutes les formes de l’amour rencontrées sur le chemin ».

« N’oublie jamais non plus d’être seul. Jamais. C’est dans la solitude seulement que le tunnel de ta vie se laisse trouer par la lumière ».

« Il suffirait d’une poussée de conscience, d’une toute petite crispation de l’âme pour qu’on s’avouât, chacun, à soi-même, le trésor de futilité qu’on est, le record de précarité. Hors de l’humilité, point de salut. Et, pour salut, une paix toute vide, un moelleux siège dans le néant ».

Souvent grave mais sans défaitisme, il nous emmène dans ses pensées sur la magie de la vie, la beauté et la monstruosité du monde, sur notre destin de mortel.

Forcément, l’on se doit aussi d’évoquer le style. L’auteur pourrait presque raconter n’importe quoi qu’on se laisserait encore faire, entraîné par sa poésie. Une poésie parfois exubérante, parfois secouée de mots de révolte et d’un langage plus rude.

Ce que, s’il fallait croire, je croirais avoir été est un voyage dans les pensées de l’écrivain en même temps qu’une longue marche solitaire dans la forêt. « Je marche seul, non pas dépourvu d’amour, mais seul », l’avant-dernière phrase du livre…

Un livre attachant par cette mise à nu et par sa sincérité. Un livre qu’on savoure. On sait déjà que l’on y reviendra, plus tard, comme dans l’un de ces lieux où on se retrouve un peu par hasard et qui donne la certitude que l’on n’a fait qu’errer jusque-là.

 

Martine Rouhart