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Emile Engels, La Campagne des Ardennes 1944-1945, éd. Racine.

Un ouvrage en tous points remarquable, tout d’abord par la personnalité de son auteur: Le lieutenant-colonel Engels a vécu les combats de la bataille des Ardennes à Warnach, à 15 km au sud de Bastogne. A L’Ecole royale militaire, il a été l’élève de colonel Henri Bernard, qui lui a donné la passion de l’histoire militaire.

Remarquable par la sûreté de ses informations: l’ouvrage est très bien documenté, il entre dans de nombreux détails techniques concernant l’armement, la stratégie, mais cela se fait sous forme d’encadrés, si bien que le lecteur non initié peut poursuivre sa lecture sans s’y attarder. De plus, l’auteur a su, à chaque phasse de la bataille, replacer les divers épisodes dans un contexte plus large, à la fois dans le lieu et dans le temps. Ainsi, par exemple, en va-t-il des projets allemands sur Anvers, de l’équilibre des forces sur les fronts de l’est et de l’ouest, et notamment sur le retard de l’offensive russe.

Juste équilibre aussi entre la vie au quotidien des civiles et des militaires: les exploits guerriers, certes, ne sont pas négligés, mais il est fait une large part à la souffrance des populations, et notamment des enfants. De nombreux entretiens avec des témoins, une documentation iconographique soigneusement choisie en témoignent abondamment. Mais à aucun moment l’anecdote n’est là pour elle-même: il s’agit toujours de tirer une leçon des documents.

Et cette juste répartition vaut aussi dans l’évaluation de l’attitude des Américains et des Allemands: ainsi ne nous sont pas cachées quelques bavures de l’aviation américaine (bombardement des Malmedy et d’Houffalize), tandis que du côté allemand, le contraste est très fort entre les atrocités des SS, tirant sur des civils, y compris des enfants, à Stavelot, fusillant les priosonniers américains, et les soldats du contingent, que l’on nous montre, à différentes reprises, prenant en charge avec sollicitude des enfants blessés ou dont les parents avaient été tués.

L’image peut-être la plus frappante: ces gamins de quinze-seize ans enrôlés dans l’armée allemande, SS ou parachutistes: on voit l’un d’eux, saisi de panique, se réfugier dans les bras d’une fermière, qui le cache parmi les vaches dans son étable, avant de le remettre aux Américains qui arrivaient…Images de désolation, de destruction, de cruauté, d’entraide et de fraternité: on n’ose imaginer le monde qui nous attendait si Hitler l’avait emporté, et l’on n’en doit que plus de reconnaissance à ces soldats américains venus mourir chez nous, pour notre liberté…

Un livre que l’on ne peut que recommander, remarquablement écrit et illustré, et qui ne néglige aucun des aspects de cette campagne et de ses tenants et aboutissants.

Joseph Bodson