Emile Gilliard,  Défense et promotion de la langue wallonne, Conférences et communications de 1964 à 2013.

Chez l’auteur, 321, rue St Laurent, 4000 Liège,162 pp.

Il s’agit donc ici d’un recueil de textes choisis par l’auteur, d’articles et de discours rédigés par lui, et qui tous se rapportent à notre langue. Les thèmes le plus souvent abordés? L’histoire et l’avenir du wallon, avec notamment sa défense contre les tentatives d’unification artificielles, la détérioration de la langue chez certains auteurs ou certains métiers, le succès trop facile, l’image falsifiée de la Wallonie que l’on nous offre parfois. Mais surtout, par-dessus tout, son attachement à son village d’origine, Moustier-sur-Sambre. Un gros village, célèbre sous l’Ancien régime par son couvent de dames nobles (il n’y en avait que quatre en Wallonie, notamment aussi à Andenne et Nivelles) , qui allait devenir très peuplée et très fréquentée grâce à de nombreuses usines, glaceries, ateliers de construction mécanique. Ce fut aussi la patrie de Gabrielle Bernard, la première poétesse en wallon, qu’Emile Gilliard a bien connue, et qu’il nous présente de façon très vivante. Il a fort bien connu aussi le P.Guillaume, rencontré à Louvain, à qui le liait une étroite amitié, ainsi que tous les acteurs de cette belle génération des années cinquante, la fleur de notre poésie. Il s’attache beaucoup, également, à défendre les particularités linguistiques de la Basse-Sambre par rapport au parler de Namur.

Ceux qui voudront écrire à l’avenir l’histoire de nos lettres auront donc tout intérêt à consulter ce livre, ils y trouveront une foule de renseignements.

Mais ce qui domine surtout, c’est l’amour de la Wallonie et du wallon, leur défense contre un certain bruxellocentrisme, l’illustration de leurs qualités propres. Ce n’est pas toujours facile, il y a toujours un risque de tomber dans les généralisations hâtives et le régionalisme au sens étroit du terme. Emile Gilliard le fait avec suffisamment de discernement, il ne cache pas non plus les défauts des Wallons.

A la page 63 notamment, il analyse avec beaucoup de justesse les causes de recul du wallon, à côté de l’influence des instituteurs qui en défendaient l’usage (ce n’était pas le cas à Moustier, non plus qu’à Soye, le village voisin dont je suis moi-même originaire): Il y a aussi des causes d’ordre sociétal. Le petit commerce de proximité, celui où l’on parlait wallon, s’est effondré au profit des grandes surfaces, ces lieux impersonnels où même le français disparaît au profit d’un globish multinational. La télévision a remplacé les conversations des chîjes, les jeux de société. La voiture a mis un point final aux rapports de bon voisinage.

Les charbonnages, les usines, les fabriques et ateliers d’artisans traditionnels où le wallon était la seule langue véhiculaire ont fait place à de nouveaux sites, des zonings éloignés des villages où les postes de travail, les cadences, permettent peu d’échanges.

Bref, la plupart des problèmes concernant le wallon y sont traités de façon fort étendue, et l’ouvrage peut rendre beaucoup de services à beaucoup de chercheurs…et de simples amis du wallon.

Joseph Bodson