Emile Verhaeren, Poésie complète 11, Les ailes rouges de la guerre et autres poèmes (1914-1916), édition critique établie par Michel Otten et Laurence Boudart, AML éditions

Et voici sans doute l’épisode le plus douloureux. Verhaeren dédie son livre, La Belgique sanglante, de 1915, à l’homme qu’il fut autrefois. C’est que l’invasion de la Belgique par l’Allemagne, en 1914, est pour lui une déchirure profonde, la destruction de son rêve de fraternité universelle et la fin de son admiration pour l’Allemagne, qui avait fort bien accueilli les œuvres précédentes.

C’est de cette profonde blessure, et du tempérament très émotif du poète, qu’il faut partir pour comprendre la vivacité de ses réactions, et l’expression outrancière qu’il lui arriva de lui donner. Plus profonde fut la blessure, plus grand le désarroi, et plus violentes  ses réactions. Dès l’automne de 1914, il se trouvera à Cardiff, entamant une série de conférences à propos de l’invasion et des atrocités qui l’accompagnèrent.

Il dédiera cette fois son recueil à Maurice Maeterlinck, fraternellement. Pour lui, ce n’est pas seulement le Kaiser, mais le peuple allemand tout entier, y compris les socialistes et son ami Stefan Zweig qui sont responsables: ce sera la fin de leur amitié. Les trois premiers poèmes: Le monde s’arme, Au Reichstag, Ceux de Liège, forment un véritable historique des débuts de la guerre. Le monde du progrès dont il rêvait est définitivement détruit. Le monde du travail industriel, les dirigeants ouvriers se sont avérés incapables de faire obstacle au conflit.

La vieille mort casquée, atroce, autoritaire,/Sortit de sa caserne avec son linceul blanc.

Mais la vie privée, les amitiés aussi sont atteintes, profondément, c’est ce qui ressort de Ma chambre. Un Appel au peuple allemand et Les Tombes ferment le recueil, qui comporte aussi, avec Les exodes, l’évocation de la fuite des familles proches des lieux de combat. On retrouvera aussi dans ce recueil les images du moulin et des flammes qui lui sont familières.

D’autres poèmes, non repris dans le recueil initial, viennent ici le compléter, dont La Belgique sanglante.

Marc Quaghebeur reprend dans sa préface l’introduction que Franz Hellens écrivit pour le recueil.

Joseph Bodson