Evelyne Heuffel,  Pueblo,  Roman  boléro,  Ker éditions, 2014.

 

Zacatecas, Aguascalientes, Mexico, Real de Catorce… pueblos, petites villes ou grande mégalopole… c’est au cœur du Mexique  que deux femmes vont faire ensemble un bout de chemin. En 1977, à Mexico, la narratrice fait garder sa gamine par Nacha, petite fille de domestiques et fille d’une indienne lavandière. Partageant le vécu quotidien et les voyages de ces deux femmes à travers ce Mexique  peu connu, le lecteur reconstituera le fil chronologique, quelque peu bousculé, de la vie de Nacha. Il sera emporté, avec des va-et-vient constants, depuis la Révolution de 1914 au cours de laquelle un lieutenant de Pancho Villa recueille Tomasita, mère de Nacha, abandonnée dans une ferme incendiée de Zacatecas, jusqu’en 2004 où la narratrice tente de retrouver les traces de son amie indigène venue faire « pénitence » à Real de Catorce  et y terminer sa vie. Qui est  en réalité Nacha ? Une femme mystérieuse, une mère courageuse, gaie et nostalgique à la fois, humble et cultivée.  Le livre est ainsi jalonné d’évocations littéraires (Roger Martin du Gard, Gramsci), cinématographiques (« L’année dernière à Marienbad ») et musicales (les mariachis, les textes de chansons boléros). On apprécie le naturel des dialogues, émaillés d’expressions et de mots espagnols. On aime surtout, dans les passages descriptifs, le style de notre compatriote, Evelyne Heuffel, si précis dans l’évocation de paysages exotiques et de courtes tranches de vie qui nous donnent à voir l’intérieur des maisons, le joyeux désordre de la rue.

Que retenir de « Pueblo » au-delà de l’émotion portée par la fiction ? Il s’agit d’un roman écrit par une femme qui nous interpelle  à propos  de  la dure condition de la femme mexicaine, victime du machisme et doublement accablée par les difficultés économiques (Nacha doit « se vendre » et « vendre » sa fille pour survivre). C’est  aussi et avant tout un roman qui illustre la nécessité de vivre pleinement l’amour s’offrant  à nous, même si c’est une folle passion  et qui  montre par ailleurs  que la culture et l’éducation permettent de s’évader du quotidien et d’affronter les misères de la vie.

Que me importa la gente,

Que todo lo ve mal,

Si ellos nunca tuvieron

Un amor especial.

« Un amor especial”  de Mónica Carbó, chanté par María Dolores Pradera.

 

 

Martine Melebeck