wilwerthÉvelyne Wilwerth, Hôtel de la mer sensuelle, Waterloo, Avant-Propos, 2015, 110p.

Les anciens se souviendront peut-être d’un livre paru au début du XXe siècle, signé Henri Barbusse, intitulé « L’Enfer ». Un homme habite une chambre d’hôtel. Par hasard, il découvre une faille dans la cloison qui lui permet d’observer ce qui se passe dans la pièce voisine. Il raconte les misères et les joies qu’il découvre en voyeur invisible. Et parmi ses observations sur ses voisins, pas mal de notations érotiques.

Le roman d’Évelyne Wilwerth est basé sur un principe similaire. Sauf qu’ici c’est une auteure qui invente les situations qu’elle décrit et que les chambres sont chaque fois différentes, visitées plusieurs fois. Les personnages qui défilent ont tous un lien fort avec les plaisirs charnels.

Sven sera mené à vaincre la nostalgie d’un amour passé. Marceline et Maxence jouent à des jeux érotiques et à apprendre la lenteur. Estrella et Helmut sont circassiens, c’est supposer combien ils affectionnent les acrobaties. La jeune Adélaïde éructe sa mauvaise humeur d’être là avec ses parents et découvre sa sensualité. Prosper et Mariette, eux, très vieux couple, retrouvent leur désir en retrouvant leur chambre d’avant. Une préfète trop longtemps célibataire tente de s’encanailler en une rencontre d’inconnu. Pénélope et Bassam expérimentent chacun leur tour les rôles de dominant-dominé tandis qu’une paire d’artistes s’adonnent à la sculpture sur leurs anatomies de modèles vivants.

La collectionneuse d’amants de quatre-vingts printemps est toujours bien vivace. Quant à Marc-Aurèle et Rafaelle, ils savent que parfois on redevient sauvage. Rien à voir avec le séducteur vieillissant qui a décidé de dire à sa compagne que c’est fini, à jamais. Alors que deux émigrés, plusieurs fois parents, perçoivent pour un moment en vacances de tout le poids de leur existence. N’oublions pas ce duo homo en quête d’identité, ni cette paire affublée de pseudonymes qui complètent la panoplie par le sado-maso.

On le voit, ce roman-là c’est aussi une collection de nouvelles, chacune dispersée en plusieurs épisodes à travers le livre. Il est possible de les lire par fragments en tournant normalement les pages ; mais rassembler les morceaux en sautant d’un épisode au suivant s’avère amusant.

Contrairement à Barbusse qui insistait sur la difficulté à vivre, sur les mesquineries humaines, sur la noirceur du vide de beaucoup d’individus, Wilwerth chante le plaisir d’être au monde. Son écriture brasse nos cinq sens en permanence derrière des tonalités syntaxiques et lexicales en corrélation avec les personnages. Sa vision du monde est d’abord un hymne à l’énergie vitale. Même si, en filigrane, la présence du chat des hôteliers rappelle qu’il est impossible d’oublier qu’il y a la mort, tout au bout.

Michel Voiturier