Evelyne Wilwerth,  Un été rouge sang, roman, Editions Benoît Anciaux, 2013.

 

Un court mais très dense roman de la conteuse Evelyne, écrit pour les grands adolescents ou les adultes qui le seraient restés, pour leur plus grand bonheur.

L’action se passe dans un trou perdu de Provence, autour et dans les nids d’ombres de la « Villa Mistral », au nom bien trompeur, et agite, affole même une sœur et un frère jumeaux, venus en principe y trouver une accalmie, une évasion réparatrice, un ailleurs qui leur feraient oublier leurs tourments, leur vide ou trop-plein intérieur.  Mais ce qui les attend dans ce pays d’oliviers tordus et dans cette maison lugubre n’est pas du vin rosé de vacances faciles. Un intrus pénètre, durant la nuit, leur minable logis et leur en fait voir de toutes les horreurs. Impossible de mettre la main ou un visage, un  nom sur cette compagnie maudite. Les suspects seraient plutôt susceptibles de leur plaire et de leur apporter du réconfort. Les absents, eux, ont une présence écrasante ; les figures de proue, par contre, jouent pour de vrai un rôle insignifiant.

Plus rien n’est normal dans cette histoire ; le paysage même s’en mêle et devient de plus en plus inquiétant, même les pages se présentent parfois en italique et suscitent, chez le lecteur, une curiosité angoissée, quasi périlleuse…

Serait-ce lui au fond du précipice ? Lui à cause de qui tout est dérèglement des sens, des sentiments, de la nature profonde d’une saison qui devrait être d’un rouge rayonnant ?  Ne pas confondre avec Lui, lui, lui, celui que l’héroïne voulait tant voir ressembler à un modèle… Loin, si loin pourtant de l’idéal philosophique de l’adéquation de la pensée et de l’action…

L’auteur excelle dans la fabrication artisanale de personnages : sans être des pièces uniques,  des porcelaines de vice ou de vertu, ils apparaissent frappants de vérité et de naturel, gauches ou excessifs dans leur désir d’aimer, de courir vers les sommets, de traquer le mystère, d’affronter la sauvagerie de leur étrange robinsonnade. C’est beau à voir et à lire et c’est écrit en brefs chapitres vifs et énigmatiques comme des bonds de bête cornue dans les ronces ou des feux de broussaille venus de nulle part. Il y aura, bien entendu, une fin, un incendie dévastateur, une révélation, une réconciliation, un apaisement, un oubli des épreuves, beaucoup de larmes et de sang séchés, de cendres palpitantes, d’illusions perdues… Mais l’automne, à vingt ans, est plein de charme tendre et de feuilles mûres qui voyageront encore dans le vent fantasque de la vie…

 

Michel Ducobu