Prix de poésie 2013 de l’AREAW

Deuxième prix : CHRISTOPHE FALZONE

Pacifique

Tu gravis l’intérieur d’un rêve
Prends le monde comme un ascenseur
Au sommet virevolte un chapeau, une idée fixe
Tu aimes la nuit, sur les bords surtout

Ces heures creuses, ces tiroirs aux langues de fer
De noires ouvertures, oh les mensonges !
Tombe, droit dedans, le fatras des papiers
Arbrisseau brimé par le vent, au nom d’un symbole

Depuis que tes lettres s’installent
Le temps apprivoise tes limites
Ralentis, naufragé, tu te découvres
À tourner les pages, la liberté s’insinue

Un hameau te raconte des histoires
De pierres polies par la musique du jour
Ralentis encore, tu te vois maintenant ralentir
Au cœur d’une ellipse, désormais, le rêve extérieur
.
Hommage au poète

J’avais alors envie de t’ouvrir
Dans l’idée de vivre L’amour fou
Tu passais pour répondre à mes doutes
Entre chaque rêve et la raison des rêves

On racontait qu’une femme-enfant ici séduite
Se changeait là-bas en signe extérieur de sagesse
Suivie toujours, malgré sa beauté promise
D’un pressentiment semblable à l’éclair du soir

J’avais alors envie de m’ouvrir
Malgré son absence, je l’attendais follement
Sa venue prit forme aux heures sans étoiles
Qui croirait que j’ai marché entre les lignes du fol amour ?

L’insomnie prolonge le temps de l’inclination
Remplit son office amoureux, sert la présence du hasard
Du désir de la reine de pique dans le deuil du rouge amour
À celui de la reine de carreau relevant la garde noire

La rupture épaissit la couche du ciel
Force le travail d’un soleil fatigué
Quelque part entre le balcon de l’inconnue des livres
Et le cimetière des fleurs où bat le murmure de la pluie

Elle te ressemble sur l’illustration que j’effleure
Je caresse son visage entre deux ombres noires
Franchir ce point de non-retour, coïncidence salutaire
Je ne désire rien tant que tu restes désormais

En ce jour orageux, le marbre me nomme roi de carreau
Je te lis sur les marches, pour mieux asseoir tes récits
Te dire qu’elle reviendra par le sentier des tapis
Légère et désirante, la voûte des pieds effleurant leur motif
.
Correspondance

Du jour que cette voix venue d’ailleurs
Est entrée en moi lors d’une profonde rêverie
Comme le froid glacial d’un vent d’hiver
Se loge sous la peau dure des mains
Battant jusqu’aux épaules
Il me semble l’entendre partout où je vais
À chaque coin de rue, le bras tendu vers l’horizon
Où son apparition me guette
Au verger où les arbres se mettent soudain à fleurir
Implorant avec grâce aux genoux des sapins
Depuis vingt jours déjà le retour du printemps

Dans le malheur de ce voir absent où je me trouvais
Le regard errant, vaincu par l’impossible
La mémoire vive de l’ancien bonheur
De ces trous forés dans les coquilles de noix
Jadis amassées dans le dépôt de la grange
Durant le long sommeil des tiroirs de mon bureau
De ces noix vidées une à une, savamment
Par de petits êtres aux corps invisibles
Fêtant le départ des chats de la cour
Je désespérais de répondre à l’étreinte charnelle
D’associer à cette voix venue d’ailleurs un visage d’éternité

S’il m’arrive de craindre son silence
Une diversion me la rend soudain nécessaire
Le sang bat fortement dans le vert de mes veines
Mon salon s’ouvre alors sur une nuit de campagne
La fumée d’une cigarette se lie d’amitié aux Tipulas
Ces araignées d’eau désirant ma jaune lumière
Qu’à tort je chasse en brassant l’air, lorsque
Baissant le regard je la trouve à mes pieds
Comme un diamant de feu
Salamandre à la beauté venimeuse
Recréant l’alchimie et le mystère
De cette voix venue du grand ailleurs