richterFlorence Richter, La déesse et le pingouin, Waterloo, Avant-Propos, 2014, 176 p.

Si l’on en juge par l’impressionnante bibliographie publiée sur le net (www.ladeesseetlepingouin.com), un nombre important de livres ont nourri cette histoire. Ils font référence à l’ésotérisme, à la philosophie, aux religions, à l’économie, à la sociologie, à l’anthropologie… De là, sans doute, une certaine ambiguïté quant à son genre : il louvoie entre conte philosophique et essai tout en prenant l’aspect d’un récit de fiction.

La rencontre entre Carl (Gustav Jung) et Rose, figure symbolique et pérenne de la Femme, se déroule essentiellement sous forme de dialogues. Ils ne peuvent s’empêcher de revêtir un aspect démonstratif, explicatif qui les rend quelque peu monotones car, contrairement à des répliques de théâtre, par exemple, ils tentent de tout dire et expliquer au lieu de laisser les mots se charger des non-dits entre les personnages.

C’est que la Rose apparition se prend au jeu de démontrer à son interlocuteur, à travers une traversée de l’histoire de l’humanité, de ses religions et de ses croyances – parmi lesquelles l’alchimie -, combien la femme et son rôle ont été occultés au fil des siècles. Contrairement à ce qui avait pu se passer dans des confessions ou des mythologiques anciennes. Car « depuis des millénaires, les mâles Homo sapiens écrivent des fadaises à propos de la duplicité féminine en l’opposant à la simplicité masculine » puisque « la dualité n’est pas la duplicité ».

L’instigatrice de cette discussion philosophico-historique est effet elle-même tiraillée entre son « esprit-tyran » qui exige l’action, la conquête et son « esprit-zéphyr » ludique et créatif. Elle poursuit, peut-être à son insu, le combat mené naguère avec une grande vigueur poétique par Claire Lejeune. Elle constate que « l’obsession de la logique, de la raison raisonnante, entraîne le mépris, sinon l’occultation, des motivations affectives comme des évidences biologiques ».

Dans la seconde partie du livre – plus alerte car allégée par des descriptions, par des notations non démonstratives, par un épisode dramatique inopiné -, elle rappelle qu’elle, la jeune intemporelle, a souhaité rencontrer ce vieux monsieur révélateur de symboles « pour rappeler l’essentiel ». À savoir : dans une société qui semble ne plus avoir de vrais mythes et néglige ceux du passé, retrouver le cœur, être capable de s’animaliser sans se bestialiser. Et passer alors par la façon d’être des pingouins et des bonobos pour mieux faire comprendre leur analogie possible avec l’homme.

À savoir encore : accepter la bipolarité humaine, la « conjonction des contraires »,  ce qui met en cohabitation positif-négatif, clair-obscur, spirituel-charnel et admettre que « le rêve » est « créateur de l’univers ». Quitte à mixer moult théories anciennes, ésotériques ou non, en une sorte de syncrétisme imbriquant naturel et parapsychologique, incluant une vision plutôt écologique et non néolibérale de l’existence où ne prédomine plus la religion de la croissance.

Michel Voiturier