Franco Limosani et Maryse HabranPour l’amour d’un renard – Ed. Weyrich – 180 p.

Franco Limosani (photographe) et Maryse Habran (écrivain) se sont associés pour nous concocter ce très bel album autour d’un héros flamboyant et trop souvent méconnu, j’ai nommé le renard. Voilà un animal mythique, aussi banal que n’importe quel autre animal, mais affublé par les uns de défauts tels que ruse, chapardage, filouterie, par les autres de qualités d’intelligence et de débrouillardise hors du commun. Mais s’est-on déjà demandé ce que le renard pensait des humains ? De ces humains qu’il n’agresse jamais et qui pourtant, le pourchassent, le piègent, le tuent pour le plaisir, car ils ne le consomment pas ? Au mieux, ils l’empaillent, fiers de leur trophée. Mais c’est vivant que Limosani le veut, sauvage dans le monde sauvage.

Il s’est pris de passion pour ce bel animal, au point de penser renard, de sentir renard pour mieux l’approcher, l’observer, le prendre en photo. Parcourir les campagnes, courir, sauter, ramper, se camoufler, guetter pendant des heures en silence, sous le vent, quelquefois pour rien, quelquefois pour des images superbes, quelquefois pour surprendre un autre animal que celui qu’on attendait… Cette quête du renard, c’est un sport, un art et une étude sur le terrain d’un animal qui a sa place dans le système et ne peut être considéré, comme il l’est parfois, comme un « nuisible ». S’il aime trouver sa pitance dans les poulaillers, c’est simplement parce que cette pitance lui semble offerte, et qui pourrait le blâmer de profiter de ce que les hommes élèvent pour lui ?! En échange, il les débarrasse de quantité de petits rongeurs qui, sans cela, pulluleraient et ravageraient les moissons de ces mêmes hommes. Alors, une poule de temps en temps, ce n’est pas cher payé !

Notre amoureux des renards va les surprendre dans toutes les positions et leur devenir familier sans jamais toutefois tenter de les apprivoiser. Les hommes et les renards peuvent vivre en bonne entente, comme en témoigne Maryse Habran, qui nous délecte de ses textes : « Denis est agriculteur et voisin de Franco. Il raconte : « Hier, quand j’ai fauché, deux renards ont suivi mon tracteur. Ils étaient à deux mètres de la faucheuse et ramassaient les campagnols au fur et à mesure de mon avancée. Le spectacle était splendide ! Aujourd’hui, je vais étendre les foins. Viens avec moi, Franco ! »

Textes et photos, couleurs et mots, alternent agréablement, et l’on chemine entre les deux avec plaisir, qu’on aime la nature ou la littérature, on a envie de plonger la main dans le pelage, les yeux dans le regard doré qui nous fait face. Et puis, la bonne odeur d’un livre neuf, la douceur du papier sous les doigts… irremplaçable.

« Et voir Renard paraître. A l’affût, l’animal est proche. Très proche. Le moindre frémissement, le plus petit élément visuel inhabituel dans son environnement pourrait le faire fuir. Renard capture une proie ; Franco, captivé, capture une image. Tous deux se scrutent, s’épient, se respectent. Ils ne font qu’un dans leur différence. »

 

Isabelle Fable