Françoise Duesberg, Pierre papier ciseaux, , Academia, 2017.

Un recueil de nouvelles par une auteure sociologue, un peu fourre-tout, que le lecteur appréciera s’il se rappelle le jeu auquel les enfants s’adonnent à la cour de récréation : pierre, papier, ciseaux…tu gagnes, tu perds, allez savoir, pas moyen de deviner l’intention de l’adversaire, même si certains prétendent qu’on peut théoriser sur la chose et trouver la clé ou maîtriser le hasard. Françoise Duesberg nous transporte d’un lieu à l’autre, d’un personnage à son complice ou son antagoniste, d’un échec à une mince réussite, d’une tuile pathétique à une glycine réjouissante qui cherche encore avec ténacité le soleil…Un rendez-vous raté en gare de Rome, une photo de famille jaunie et haïe, une randonnée à deux sans un mot ni un regard, un orgue de Barbarie devant la mer qui vous met le moral à marée basse, une échappée sur une île grecque avec son prof de français qui récite du Lecomte de Lisle sous le ciel azuré, une pension de famille qui sent le chou et le passé qui ne passe pas très bien, le Cancre de Prévert qui a un charme fou auprès des filles de la classe, un chien qui parle et qui lèche doucement les cœurs tristes… Tout un petit monde tout près de chez vous, d’ici et d’en face, l’air préoccupé, pas très en forme, pas très photogénique. A quelques exceptions près, à condition que le papier cache le vilain caillou, que la pierre casse la lame cruelle des ciseaux et que les ciseaux coupent les pages pâles du quotidien. La vie est un jeu dangereux ou bêtement monotone où l’on perd plus souvent qu’on ne gagne…Et si l’on a la main heureuse, c’est comme un coup de grâce, dans les deux sens du terme…Les récits sont écrits avec fermeté et tendresse à la fois, sans qu’on y voie de vaine littérature, comme dans un bloc-notes, un journal de bord, un journal « extime » qui parle des autres comme on parlerait de soi, avec une franchise et une familiarité attachantes. Personnes de tous âges en quête d’auteur pour exister et d’histoires drôles ou bouleversantes pour échapper à la morne routine de nos jours nuageux et de nos nuits blanches Car la joie est rare, elle serait même tout un art qui exige un regard un peu exalté et toujours rêveur…Parfois même un regard à l’ancienne, un œil argentique qui prend le temps d’observer et de saisir avec justesse l’envers et l’endroit des scènes du petit monde unique qui est le nôtre…

Michel Ducobu