MarieMineur-cover7.inddFreddy Joris,  Marie Mineur Marie rebelle ,(Avant-Propos, 2013)

 

Quand, en 1971, Jeanne Vercheval fonda à La Louvière les « Marie Mineur », elle nous fit découvrir le nom d’une oratrice verviétoise qui y était venue défendre la cause ouvrière et féministe un siècle plus tôt. Puis le nom de Marie Mineur s’estompa. Jusqu’à ce que Freddy Joris, grand historien de la presse et du mouvement ouvrier, ne relise les journaux de l’époque, les rapports de police et les mouchards de la Sécurité publique. Et nous livre un ouvrage rappelant les détails biographiques et les convictions d’une femme hors du commun.

 

Née en 1831, aux balbutiements de la Belgique, Marie s’éveille dans les fabriques de la cité lainière qui connait à la fois l’âge d’or du tissage et les premiers sursauts de la classe ouvrière opprimée. Douze à quatorze heures de travail, des habitations surpeuplées, une alimentation pauvre, des conditions sanitaires inimaginables : une situation qui conduit à l’alcoolisme, la prostitution et… au sentiment de révolte.

Luttant à côté de nombreux ouvriers, Marie est aussi la première à ne plus accepter l’infériorité légale des femmes (pas de droit de vote, pas de droit d’être élue, dépendance totale du mari qui dispose des gains de sa femme s’il lui a permis de travailler). Partout où une réunion s’organise, Marie qui se qualifie de « socialiste révolutionnaire », prend la parole pour s’insurger contre le travail des enfants, contre la soumission des jeunes filles aux patrons et contremaîtres, contre la religion qui anesthésie les femmes et colonise les écoles. Militant au sein de L’Association Internationale des Travailleurs (1860) et du Parti Ouvrier Belge (1885), elle participe à la fondation du cercle « L’athéisme », lance les « fêtes de la Jeunesse » laïques et, jusqu’à sa mort en 1923, exhorte les femmes à prendre pouvoir et responsabilités dans le difficile concert social et politique. Elle meurt pourtant complètement oubliée et ses funérailles, bien entendu civiles, se déroulent dans une totale discrétion.

 

Pour son ouvrage, l’historien Freddy Joris – n’oublions pas qu’il est aussi Administrateur général de l’Institut du Patrimoine wallon – a retrouvé des lettres, des discours, des avis, des articles. L’harmonieuse mise en musique de ces documents, toujours replacés dans leur contexte, nous rappelle que le parcours de la Belgique entre 1830 et 1914 fut tout sauf celui d’un long fleuve tranquille.

C’est en cultivant les racines du passé qu’on parvient à comprendre les fleurs d’aujourd’hui.

 

Le travail de Freddy Joris s’est vu distinguer par l’octroi du premier Prix littéraire Alexandre de Belgique. Le jury était présidé par Christian de Duve.

 

Philippe Bailly