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Ghislain Cotton – Le passager des cinq visages – Neufchâteau, Weyrich, coll. Plumes du Coq, 122 p., 14 €.

Max Cordier, le narrateur de cette histoire, a quelques affinités avec son auteur. En effet, comme lui, il fut critique littéraire tenté de « pratiquer le culturel en électron libre », avec la lucidité de celui qui sait que la culture « n’est qu’une regrettable obligation », un alibi facile pour nombre d’organes de presse actuels. Il aime s’en référer à Larbaud, Dante, Lope de Vega, Dostoïevski, Pirandello, Pétrarque, Gautier, Prévert, Decoin ou Wittkop, Queneau, Blondin évidemment et surtout Chesterton.

S’y ajoute Jean Ray avec qui il y a accointance pour l’étrangeté de certains personnages et l’atmosphère des lieux. Les protagonistes ont tous un piment de mystère. Les descriptions, les ambiances, entre autres celles de la maison de la rue des Cinq Visages, sont un hommage à la ville de Mons.

L’histoire s’amorce par le retour du passé. Ce sont des retrouvailles improbables avec un copain de classe devenu avocat, avec son épouse dont notre héros, alors ado, avait été amoureux transi durant quelques semaines. C’est son installation provisoire chez eux alors que le plaideur passe quelque temps en prison pour complicité d’évasion d’un de ses clients malfrats, disparu depuis. C’est la rencontre avec le Pélican, laideronne dévouée, détentrice des secrets familiaux ; avec Pip, un marionnettiste croate réfugié occasionnel et farouche.

Tous les ingrédients sont là pour nouer des fils qui mènent à l’amour sensuel, à un questionnement récurrent à propos des liens qui réunissent ces personnes, à un chassé-croisé entre des êtres dont on ne parvient pas toujours à deviner ce qu’ils savent, à des manipulations des uns par les autres ou vice-versa. À explorer également une demeure patricienne aux recoins nombreux, aux endroits insolites.

Ghislain Cotton mène cela sans hâte. Il entraîne le lecteur dans les pensées de son Cordier. Il inventorie la cité et l’immeuble. Il révèle peu à peu qui est qui, qui manœuvre qui. Il avance calmement, contrairement aux polars urbains où tout va trop vite. Il parvient à rendre attachants ceux-là même dont la conduite ne respecte guère la morale. Il est vrai que celle-ci n’est, aux yeux de l’avocat, qu’une « invention de vieux édentés préhistoriques tremblant pour leur avenir ».

Michel Voiturier