Henri Goldman  –  Le rejet français de l’Islam, une souffrance républicaine,

Paris, P.U.F. ,coll. Souffrance et théorie, 2012, 197pages, 14  euros.

 

En ces temps de polémiques de plus en plus vives autour de la présence de plus en plus visible de l’Islam en France , Henri Goldman, sommité belge reconnue, entre autres, comme coordinateur du département Migrations au Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme à Bruxelles, signe ici un ouvrage magistral, excellemment documenté, rigoureux, très fouillé, et d’une grande élévation morale  face aux controverses juridiques incessantes  relatives au foulard à l’école, au port de la « burqa »  dans l’espace «  symbolique » public en France et aussi, par comparaison, en Belgique.

L’ouvrage est divisé en deux grandes parties : la première, « un combat pour la dignité, » aborde en profondeur l’histoire de France à partir de sa politique de migration dès l’époque républicaine à nos jours,  laïque face aux vagues migratoires des populations d’origine maghrébine sur son sol  à partir de l’ère coloniale.

Une double question cruciale est analysée  en parallèle : celle de la migration de l’Islam en France  et celle du partage de l’espace symbolique marqué par la cohabitation de la majorité  face aux minorités stigmatisées par leur communautarisme.

Tout au long de son analyse très serrée de la chronologie, l’auteur dissèque les législations successives mises en place par un pouvoir régalien autoritaire, laïque,  soucieux d’imposer une forme de neutralité fondée sur un processus grandissant d’assimilation  qui ignore sciemment toute forme de culture qui ne rejette pas la religion dans la sphère privée.
Dans la seconde partie de loin la plus fouillée, l’auteur apporte des «  éclairages » politiques , institutionnels et éthiques  par rapport à l’expression des convictions religieuses et culturelles  dans l’espace public selon  qu’il s’agisse du port du voile, ou du foulard, de la mixité « sexuelle », de la prétendue «  neutralité », de l’école, du voile « intégral », selon aussi  l’attitude d’un faux antiracisme ou encore de ce qui est appelé de nos  jours «  des accommodements raisonnables ».

Abordant enfin toutes les questions traitées sous l’angle éthique, et  ancrant son analyse sur   une conviction personnelle très marquée par très grande objectivité à la fois sereine et d’une haute tenue morale, l’auteur montre que les prétendues solutions mises en œuvre aussi bien dans une société française restée  nettement plus rigide que la nôtre, plus ouverte aux compromis non stigmatisants,  ne font que traduire une approche de l’autre que sur une forme purement assimilatrice à sens unique  et dominatrice du fait religieux et culturel.

A contrario, il prône une attitude d’accueil et de tolérance  de la culture maghrébine dont l’affirmation fière du «  retour du religieux » peut  à ses yeux constituer un ferment du renforcement de la modernité démocratique. La conclusion est que  pour arriver à un esprit de vraie tolérance effective, il s’agit de travailler encore les mentalités islamophobes, exacerbées par des médias alarmistes ou sensationnalistes xénophobes.

Introduit par la remarquable réflexion de Francis Martens, sociologue éminent de cette question cruciale, cet essai remarquable est aussi flanqué d’un excellent glossaire exhaustif des organismes et institutions franco-belges officielles , compétentes dans ce domaine.

 

Jean-Pierre Grandjean.