Jacques Demaude, Engrangements?, deux suites de 31 tankas, Les Cahiers de Jane n°3,Grenier Jane Tony, 55, rue des Alexiens, 1000 Bruxelles.

(Le tanka, dans la poésie japonaise, est un composé de deux parties, dont la première évoque des phénomènes naturels, tandis que la seconde peut, elle, exprimer des sentiments, mais sous une forme interrogative)

…d’où, sans doute le point d’interrogation qui figure dans le titre. Engrangements, serait-ce, exprimée avec un certain scepticisme, la vision du monde que Jacques Demaude tire d’une vie faite de courage, d’engagement, d’épreuves, de foi religieuse profondément vécue?

Il règne dans tout le recueil une atmosphère, un ton, de jugement, d’apocalypse. De manière assez étrange, nous sommes à la fois juges et jugés. Et les paysages eux-mêmes sont partie prenante de cette atmosphère, roches fendues, intempéries.

Il enjoint, ou il annonce, d’où l’emploi fréquent du vocatif, et même, p.7, il s’en prend à Dieu, comme faisait Job.

La seconde partie, Croire aux moissons, est davantage descriptive, mais avec peu d’adjectifs, les participes sont plus fréquents. Ici, c’est l’interrogation qui prime, mais le ton reste sombre, injonctif. Avec toutefois, p.18, un changement , une sorte d’éclaircie:

J’ai cru dès l’aurore/qu’un désert m’affligerait,/puis fouillé la terre/sans concevoir que le grain/sublimerait ma colère. (p.18)

Vient enfin l’apaisement, ou plutôt une sorte de simultanéité, comme dans l’Orage de Giorgione. La paix se profile, mais nous restons au milieu de l’orage, sur une terre profondément bouleversée.

Bien loin d’être une fantaisie usant d’une forme exotique, ce recueil, comme tout ce qu’écrit Jacques Demaude, est fait pour être lu et relu, avec toute notre attention. La forme elle-même, en ses deux parties très contrastées, est part intégrante de l’œuvre – de la poésie pour vivre, la seule qui compte.

Joseph Bodson