Jacques Desmet (Maujeni) et José Schoovaerts (dessins), Novèles et Binde à dèsséns, chez l’auteur, rue du Coquelet, 41, 5030 Gembloux. 2020,202 p., 15  €

Ma première réaction, après avoir refermé ce livre, a été de soulagement et de satisfaction: j’y retrouvais enfin un auteur que j’avais bien aimé pour ses premiers livres, son enfance à Melin, près de Jodoigne, au pays des carriers, de la pierre blanche. Les livres qui avaient suivi ne m’avaient pas enthousiasmé: ces tentatives sur les terres du polar me semblaient soit trois gentillettes, soit trop hardies, dans leurs hypothèses comme dans leur déroulement, et l’agent Moisse ne m’a pas laissé un souvenir inoubliable.
Ici, en ce copieux volume, il semble avoir retrouvé – pas toujours, mais bien souvent, le ton, l’allure, qui sont véritablement les siens. De quoi ont-ils faits? De simplicité, de bonhommie, d’acceptation de la vie, un don réel d’observation, le sens du concret, et…oserai-je le dire? La fraîcheur du sentiment, ce qui n’empêche pas, loin s’en faut, la verdeur du vocabulaire.
D’emblée, je mettrais deux bémols: j’ai le sentiment que ces nouvelles couvrent une très large période dans le temps, si bien que l’on y sent des différences marquées. Si elles se succèdent, dans le livre, suivant l’ordre chronologique de leur composition,; il me semble que les plus récentes sont davantage travaillées, élaborées. Ensuite, on notera, au biveau de la langue, que certaines sont en wallon de Mélin, d’autres, en wallon de Sauvadjènes (quartier des Isnes). C’est un très louable effort, et un vrai tour de force. Il me semble cependant, sans y être expert, que le texte aurait mérité, pour l’orthographe, une dernière relecture.
J’ai particulièrement apprécié Li grosse vatche (wallon de Sauvadjènes): le ton est vif, et les répétitions, en fin du texte, ont un fort bel effet. De même, Condjîs d’ Noyé (Sauvadjènes), où le scénario prend la forme d’un chronométrage très poussé. L’auteur est plein d’invention, d’idées originales, qui ont seulement besoin d’être quelque peu disciplinées. De même, j’ai bien aimé Dairén djoû dè l’ samin.ne à l’abatwêr de Djodogne (Mélin), où l’auteur fait preuve d’une réelle maëstria dans la description des ouvriers de l’abattoir: chacun de leurs gestes, chacune de leur paroles, sont criants de vérité. La nouvelle policière, où réapparait l’agent Moisse, est cette fois très vraisemblable, et le scénario, remarquable d’invention.
Oui, j’en suis persuadé, on reparlera du Maujnî, pour peu qu’il arrive à dominer son talent, qui est grand, et plein de promesses encore.

Joseph Bodson