Jacques Ménassé, Un frémissement, roman, L’Harmattan Belgique, 2014, 312 pages, 27, 50 €.

Un Bildungsroman, si l’on veut, l’apprentissage de la vie par un jeune Juif belge d’un milieu aisé, mais avec cette particularité que cet apprentissage ne s’accomplit vraiment qu’une fois la soixantaine venue, et se termine ainsi en boucle, lorsque le héros retrouve une jeune femme qui lui avait sauvé la vie, quand ils avaient vingt ans tous les deux, lors d’un périple saharien…Entre-temps, il est vrai, il sera passé par de multiples péripéties: de nombreux voyages, certains professionnels, d’autres pas, qui lui permettront de parcourir une bonne moitié du monde habité; des métiers multiples: architecte, diamantaire, marchand d’armes, gérant d’une firme japonaise spécialisée dans l’élevage de poissons; des expériences religieuses elles aussi variées, car il passera de l’indifférence – avec un grand respect toutefois pour la religion juive – à l’attirance envers cette même religion et certaines de ses traditions, l’admiration pour les cultes japonais; une culture esthétique très poussée; enfin, last but not least, des expériences sentimentales et sexuelles elles aussi variées et fort bien décrites, avec quelques à-pics plutôt vertigineux et des aventures variées et inattendues, avant de trouver enfin l’apaisement final.

Certaines scènes sont fort bien troussées, surtout lorsque l’auteur oublie son bagage culturel pour se plonger dans l’action, pp.186-187 par exemple, et puis p.199. Le style, à ces moments, lorsque l’auteur se trouve vraiment dans son élément, comme dans les scènes d’amour, se fait plus délié, plus varié aussi. En d’autres endroits, il lui est arrivé ce qui arrive fréquemment lorsque l’on se lance dans un premier roman: une sorte d’eutrophisation, on veut trop y mettre de ses connaissances, de sa culture, on se prépare en lisant beaucoup, trop parfois, et l’on a tendance à faire entrer une trop grande part de ce que l’on a lu dans son texte. Mais il n’empêche, encore une fois, qu’il s’agit là de défauts facilement corrigibles, et que Jacques Ménassé a les qualités voulues pour faire un bon romancier. Comme l’artiste, travailler sans filet…oublier les digressions, et aller de l’avant sans crainte.

Joseph Bodson