Jean C. Baudet – Les plus grandes controverses de l’histoire de la science. Ed. La Boîte à Pandore-275 pages – 19,90 €

Qu’est-ce que la science, au fait (scire)? C’est ce que nous savons ou croyons savoir. Il y a des « évidences » (videre), ce que tout le monde peut « voir ». Par exemple, que la terre sur laquelle nous évoluons est plate, que le soleil se meut dans le ciel en décrivant une courbe au-dessus de notre terre plate. Mais il faut se méfier des évidences, de ce que nos sens physiques limités nous permettent d’établir comme vérité absolue et indiscutable. Certains ont outrepassé les évidences pour tenter d’accéder à la vérité par d’autres voies, plus spécifiquement humaines : l’imagination, la réflexion, l’observation, l’expérimentation. Et si tout le monde voit la même chose, étant doté des mêmes organes de perception, tout le monde ne pense pas la même chose. Car la réflexion et l’imagination des uns et des autres n’aboutissent pas forcément au même résultat. Et les expériences peuvent apporter de nouvelles vérités ou s’avérer biaisées, erronées, et tout remettre en question. D’où la naissance de controverses parfois très violentes, chacun croyant évidemment détenir la vérité, qu’elle soit découverte (grâce à des observations, des calculs ou des expériences scientifiques), imaginée (par intuition géniale) ou révélée (par la tradition ou la religion).

C’est de ces controverses que Jean Baudet nous entretient tout au long de cet intéressant ouvrage. Ce livre présente ainsi les dissensions sur la nature de la matière et du vide, sur la place de la Terre dans l’Univers, la nature de la force qui fait se mouvoir les planètes, les mystères de la reproduction sexuée, de l’hérédité, de l’évolutionnisme face aux tenants du créationnisme, horrifiés à l’idée qu’on puisse ramener l’Homme, divine créature façonnée à l’image de Dieu, à un parent du pitoyable singe… si laid et si amoral. L’auteur aborde bien d’autres sujets, comme la génération spontanée, la dérive des continents, l’Atlantide… Tous sujets qui ont bien divisé l’opinion avant de voir s’afficher un résultat final… jusqu’à nouvel ordre. Car le scientifique sait que la science avance et que le savoir évolue.

Depuis l’émergence de l’humanité en fait, deux courants de pensée s’affrontent sans pouvoir se départager : le matérialisme (monisme) et le spiritualisme (dualisme). Pour le premier, seule la matière existe et est source de tout (de l’Univers, de la Vie, de la Pensée, des émotions…) et tout peut s’expliquer. Pour le deuxième, la matière a un pendant immatériel (un monde spirituel, avec des dieux ou autres forces ou entités inconnues et sans doute inconnaissables, une âme mystérieuse…). La matière, personne ne la nie, c’est l’évidence. Quant au spirituel, quoique indémontrable par essence puisque indétectable par nos sens désespérément matériels et indépendant du travail de notre cerveau tout aussi matériel, il n’est pas pour autant à écarter sans procès – car comment prouver l’inexistence de ce qui n’existe pas ? On ne peut prouver ni son existence ni son inexistence. Il convient de garder l’esprit ouvert – c’est le propre de tout scientifique, de ne fermer aucune porte jusqu’à démonstration incontestable.

En tout cas, le recueil de ces différentes controverses, et de bien d’autres, est passionnant à lire et à relire, très bien documenté comme tous les ouvrages de Jean Baudet. Il nous fait découvrir agréablement l’évolution parfois chaotique des connaissances de l’humanité pensante. Et Jean Baudet de clôturer son travail par une réflexion philosophique sur une controverse actuelle, qu’il dit déterminante pour l’avenir de l’humanité. En ce moment où la science et la technologie atteignent des sommets jamais atteints et où, dans le même temps, comme par un effet de balancier fatal, l’obscurantisme refait surface avec des idées rétrogrades et dénuées de toute vraisemblance scientifique et logique, niant les preuves scientifiques et matérielles pour remettre à l’honneur des idées exclusivement spirituelles. Et Jean Baudet ne cache pas son inquiétude devant cette recrudescence d’intolérance.

La sagesse ne serait-elle pas de tolérer les idées de chacun sans vouloir imposer les siennes et d’accepter un univers matériel à l’évidence, mais que rien n’empêcherait d’être transcendé              par une ou des forces immatérielles ou divines, que l’homme n’aurait pas (encore ?) le moyen de connaître, malgré sa prodigieuse intelligence et la prodigieuse évolution de ses connaissances ?

En quoi le fait que l’Univers évolue (fait démontré scientifiquement) et que l’Homme n’en soit pas le centre et le but (fait évident) empêcherait-il le concept d’un « Dieu » créateur ? Cela ne ferait que rendre l’Univers plus riche et plus vivant puisque en constante évolution et cela remettrait l’homme à sa place (microscopique).

D’un côté (spiritualisme), nous voyons l’homme écrasé, intrinsèquement soumis à une volonté supérieure d’essence divine. De l’autre (matérialisme), nous voyons l’homme refuser toute volonté supérieure aux lois de l’Univers, qu’il se fait fort de découvrir, de comprendre et de maîtriser si possible. Esclave de la volonté divine ou maître (mini-maître) de l’Univers ? La vérité est peut-être entre les deux : l’homme, élément infime et essentiel de cet univers extraordinaire où il évolue, soumis aux lois de l’univers mais conscient et libre de penser et de croire ce qu’il veut.

Isabelle Fable